Une partie de l’église de Chazelles-sur-Lyon qui occupe le centre de la ville près de la place Poterne, bien protégée par son château avec la tour hexagonale qui surveille sa façade sud, est un des derniers vestiges de la période médiévale resplendissante de la cité. Celle-ci a été occupée par les Chevaliers de Saint Jean, venus assurer la démilitarisation d’une bande de terre entre les territoires des Comtes du Forez et ceux des Archevêques de Lyon qui avait signé en 1173 un traité de non-belligérance «le Permutatio» après deux générations de guerres incessantes (₁).
Si elle a fière allure aujourd’hui, avec son immense clocher en forme de tour carrée que l’on aperçoit de très loin, cela n’a pas toujours été ainsi car elle a subi des transformations successives en trois phases principales qui lui ont donné son aspect actuel. La dernière intervention, avec le pavage de la place au centre de laquelle elle se trouve, lui a redonné un caractère historique certain.
Il est très probable que la première église du village de Chazelles a appartenu, avant l’arrivée des Chevaliers, à l’abbaye de Savigny₁. Elle était dédiée à Saint Michel et faisait face à celle d’un autre village : Saint Romain le Vieux avec son château de Reculion (au lieu-dit La Tour aujourd’hui) dépendant du Comte du Forez (₂).
Lorsqu’en 1148 la commanderie est créée, le comte du Forez se retire de Saint Romain qui est déserté au profit de Chazelles. On sait que la première tâche des « soldats de la paix » a été de construire le château que l’on connait aujourd’hui et situé parallèlement et tout à côté de la chapelle alors existante. Un bâtiment est érigé entre le corps principal du nouveau château et le chœur de l’église permettant aux châtelains d’entrer au sein même du lieu de culte par une galerie privé alors que les habitants de la paroisse de Chazelles utilisent la grande porte à ouest. Le vocable est changé, il passe de Saint Michel à Notre Dame de l’Assomption aidée tout naturellement dans ses œuvres protectrices par Saint Jean le Baptiste, patron des chevaliers. Les trois croisées d’ogive précédant le chœur de l’église actuelle ainsi que les deux premières chapelles latérales côté sud avec la sacristie sont très probablement contemporaines de cette époque que l’on peut dater du début du XIII° siècle (1220-40). Le chœur est exactement tourné vers l’est comme le sont la plupart des églises de l’époque. De cette période romane, on retrouve dans l’église actuelle l’arc plein cintré au-dessus de la porte de la sacristie.
Une première phase d’agrandissement a été programmée entre le XV et le XVI° siècle qui inclut aussi la construction d’un bâtiment attenant l’église du côté de l’entrée ouest. Il va servir de prison et de salle de justice formant ainsi avec le bâtiment situé à l’est (comportant notamment la grenette, la galerie et la tour-donjon carrée) une véritable cour fermée pour le château dont les étages sont desservis par un escalier en colimaçon. Il est inclus dans la tour hexagonale encastrée dans le corps du bâtiment central.
Elle a donc consisté à créer une nouvelle nef avec 3 chapelles du côté sud en prolongement des deux premières. Le chœur de l’église a été doté à l’est de cinq grandes ouvertures disposées en demi-cercle et la porte au nord a été ornée de 2 beaux arcs gothiques incluant les armoiries d’un commandeur présumé être Guy de Blanchefort (grand prieur d’Auvergne (1496), Grand Maître de l’Ordre Souverain de Malte (1512-1513): commandeur à Chazelles, il fait détruire Saint Romain le Vieux en 1497), et d’une famille reconnue par notoriété (₂) comme celle des Bocsozel de Montgontier (il y a de nombreux chevaliers de Malte dans cette famille originaire de l’Isère). Ce sont sur les culots d’ogives successives qui soutiennent les voutes que l’on trouve la plupart des petites sculptures petit à petit décrites dans le site et cela principalement dans la petite nef latérale sud. La grande nef a 13 mètres de hauteur et ses arcs de voute reposent sur des chapiteaux sculptés en forme de feuille d’acanthe. Au total l’église fait, en 1657, 18 mètres de long pour 10 de large. La chapelle au nord comporte aussi de beaux culots d’ogive sculptés avec notamment les saints évangélistes dans les quatre coins. C’est la partie la plus intéressante de l’église qui mérite d’être regardée très en détail tant elle est largement habillée de représentations diverses, parfois inachevées, parfois abimées par la Révolution, parfois intactes et surprenantes. Dans une des chapelles de la configuration actuelle, on trouve une sculpture encastrée dans le mur qui était probablement une pierre tombale et qui n’est pas à sa place originelle. Elle comporte trois coquilles Saint Jacques suspendues à une barre. Elle est décrite dans les inventaires jacquaires mais il s’agit plus probablement de coquilles « acquises » par un commandeur à l’occasion de voyages à Jérusalem au temps des Croisades. Cette pierre est probablement très ancienne avec une taille d’écu très primitive. Rassurons le lecteur d’autres preuves de la présence de Jacques le Majeur ne manquent pas comme nous vous l’avons déjà signalé. À cette époque il y avait un petit clocher au-dessus de l’entrée ouest. Il formait une tour carrée recouverte de tuile et protégeait six cloches (à la veille de la Révolution, le clocher change de forme et comporte une flèche revêtue de fer blanc supportant une girouette et tout en haut une croix de Malte mais il n’a plus que cinq cloches!).
La troisième importante transformation a été réalisée au début du XIX° siècle. Elle a été importante avec la réalisation de la nef du côté nord, l’allongement de la nef centrale et latérale sud et la réalisation du porche et du clocher actuel. C’est l’entreprise Chaize de Bessenay qui a fait les travaux sous la conduite d’Etienne Trabucco, architecte du département. La façade ouest actuelle, où se trouve l’entrée principale et les deux portes latérales, date de cette époque. Elle a été bâtie en calcaire conchylien du Lyonnais: on y distingue les coquillages fossiles intégrés caractéristiques de cette pierre.
En 1854, on abaisse le niveau du sol pour augmenter la hauteur de la nef et on équipe de chœur de ses superbes vitraux réalisés par Alexandre Mauvernay de Saint Galmier.
Au début du XX° siècle, sous l’impulsion du curé Jacques Planchet, les chapelles latérales sont successivement ornées des vitraux que l’on connait aujourd’hui, dont celui de Saint Jacques le Mineur patron des Chapeliers et celui de Sainte Odile patronne de l’Alsace offert par Eugène Provot en souvenir de sa région de naissance.
Une tribune est construite au fond de l’église. Quelques aménagements sont réalisés. Le mécanisme des cloches est électrifié. Il ne fallait pas moins de trois hommes auparavant pour lancer la plus grosse.
En 1966 l’église est entièrement rénovée à l’intérieur avec décrépissage et suppression des stucs successifs, mise à nu des pierres, travail réalisé par l’entreprise Comte de Champdieu. Les orgues situées sous le clocher montent au chœur de l’église. La superbe chaire en bois sculpté est descendue et mise au rebut. Tous les saints représentés, pourtant sans chair et sans os, sont retirés. Même Jacques avec son chapeau est chassé de la demeure et rejoint Antoine, Thérèse, Joseph et beaucoup d’autres. Seule, Marie, mère de Dieu est arrivée à conserver deux places sous le toit de cette maison à tous.
Réferences
1-Bulletin de la Diana. Le traité de de 1173 Vincent Durand -07-09/1892 p 303-309. 2-Bulletin de la Diana. Chazelles. Maurice de Boissieu 07-12/1901 p 438-445 et Echo Chazellois. 04-1991, P. Cador, dossier n°3,