L’Ursari fait partie d’un groupe nomade très ancien de roms qui traditionnellement fait le dressage des animaux. Il forme une partie importante de la communauté rom en Roumanie (c’est un des 40 groupes tribaux) mais aussi en Bulgarie et en Moldavie. On en trouve aussi beaucoup en Serbie dans les Pays-Bas et en Italie où ils ont tendance à se sédentariser depuis le milieu du XIX° siècle. Ils tirent leur argent pour vivre des jeux de rue qu’ils imposent à des ours bruns des Carpathes mais aussi à des guenons. L’Ursari est aussi connu pour ses compétences vétérinaires attribuées à la possession d’un art “magique” et ses capacités à faire commerce des animaux sauvages et notamment celui des singes. Les femmes de la communauté sont réputées pour leur pratique divinatoire: elles lisent l’avenir dans la main. Dans la communauté Ursari on fabrique des objets en os qui sont ensuite enduits de graisse d’ours pour les rendre inaltérables. Ce sont des objets de luxe qui sont vendus aux Roumains. Ceux-ci en rafolent comme d’ailleurs la graisse d’ours sensée lutter contre les affections osteo-articulaires ou encore les poils devenus un porte-bonheur populaire.
Les montreurs d’ours sont issus de cette communauté et sont connus depuis le Moyen-Age. Ils exercent ce métier itinérant en réalisant publiquement des tours d’adresse avec un ours dressé à cet effet. Cette activité s’est fortement développée en Europe au XIX° siècle dans les Abruzzes en Italie et dans les Balkans mais aussi, du fait de l’errance de cette communauté, dans les Pyrénées: un massif montagneux à l’époque très peuplé en ours bruns. Ces « saltimbanques » travaillaient sur les places publiques avec leur animal dressé, les dents et les ongles limés dès leur plus jeune âge, retirés très tôt du milieu naturel et élevés « en famille ». L’homme et la bête forment un couple indissociable, partageant la même vie rude et parcourant par étapes de grandes distances tantôt seuls à pied, tantôt en groupes, à la manière des Roms, tirant leurs roulottes sur les routes avec des chevaux. C’est ainsi qu’on les appelaient, comme leurs congénaires: Bohémiens. Ils proposaient d’ailleurs aussi souvent les mêmes services tel le rempaillage des chaises, la vente de paniers d’osier ou la lecture de l’avenir dont les femmes avaient l’art. Ce sont eux qui auraient transmis il y a très longtemps leur art du dressage des ours à des paysans pyrénéens au cours de leur transhumance vers l’Espagne.
Ce métier de montreur d’ours (oussaillè ou orsalhèr en gascon) était d’ailleurs ainsi devenu aussi dans les Pyrénées, notamment dans l’Ariège, une petite industrie. Le village d’Ercé avait à la fin du XIX° siècle et jusqu’au début de la guerre de 1914-18 une « école des ours ». En 1880 une cinquantaine d’hommes de la région exerçaient ce métier de montreurs d’ours. On trouve d’innombrables illustrations de cette époque. Les oussaillès pyrénéens ont disparu après la première guerre mondiale tandis que les Roms ont poursuivi encore un peu cette activité que l’on ne trouve plus désormais que dans les cirques et certaines fêtes foraines.
La région a été très largement parcourue par ces “Bohémiens” montreurs d’ours. De nombreux témoignages photographiques les montrent à Alberville, Aix-les-Bains ou Villars-de- Lans. Plus près de nous, on peut les voir à Chazay d’Azergues en 1904 ou à Propières plus haut dans le Beaujolais.
Et c’est à Chazelles en 1901 que le montreur d’ours s’est laissé prendre en photo avec sa magnifique bête marchant tantôt à quatre pattes vers l’Hôtel du Centre ou debout sur ses pattes arrières dans la rue Saint Roch. Le quartier qui vient de recevoir le tramway n’a pas encore les deux immeubles que l’on connait aujourd’hui et ce sont encore les anciennes maisons qui sont en place.
Ces photos nous ont été prêtées par René PUPIER, un des membres de l’Association PHIAAC : nous le remercions. Il s’agit d’un témoignage exceptionnel du début du XX° siècle. Les épreuves ont malheureusement déjà subi quelques souffrances mais elles restent parfaitement lisibles.
A bientôt pour de nouvelles petites histoires. Bien sûr, nous attendons les votres sur la base d’une image de la vie de votre ville.