“Castellum supra leonem” : un château sur un lion. Telle est la devise de la ville. Il fallait donc que les anciens sachent qu’il y avait du solide sous ces tours de pierre aujourd’hui presque totalement disparues. Parmi les plus vieille maisons de Chazelles, celles que l’on trouve autour de la cour du château sont posées sur du rocher.
Nous sommes sur un large socle de roches dures faites de gneiss, le principal constituant géologique des Monts du Lyonnais. Le plissement hercynien, à la fin de l’ère primaire, avait dressé des grandes montagnes qui ont ensuite été usées par l’érosion jusqu’à former une « presque » grande plaine. Lors de la formation des Alpes à l’ère tertiaire, ces restes montagneux aplanis ont été soulevés depuis leur bord oriental et méridional ce qui a entrainé une inclinaison de la masse de granite plus ou moins altéré vers l’ouest. Les rivières, avec la reprise de l’érosion, se sont encaissées dans le gneiss en gorges profondes. Ceci explique l’hétérogénéité du relief de la région.
La ville se situe sur un promontoire formé lors du soulèvement signalé plus haut. Il domine la plaine du Forez à une altitude d’environ 600 mètres au bout du chaînon d’Aveize qui est une arête des Monts du Lyonnais orientée NE/SO et située entre la Brevenne et la Coise. Ces deux rivières ont pour particularité d’être très proches, de couler de façon presque parallèle mais en sens opposé puisque la première descend vers la Saône puis le Rhône et la Méditerranée, la seconde allant vers la Loire puis l’Atlantique. Chazelles est ainsi très près de la ligne de partage des eaux au sommet de deux bassins versants.
Cependant, ceinturée par les vallées de la Gimond au sud et celle de l’Anzieux au nord, rivières qui se jettent ensuite toutes deux dans la Coise, laquelle rejoint la Loire près de Montrond-les-Bains, Chazelles se trouve bien, sur le plan hydrologique, dans le bassin de la Loire à cinquante mètres environ au-dessus des deux rivières coulant dans des vallées relativement profondes et creusées dans un terrain cristallophile de type gneiss. Ces formations géologiques premières sont très pauvres voire dépourvues en eau. Ce sont des roches métamorphiques contenant du quartz, du mica, des feldspaths et qui se présentent comme une apposition successive de feuilles plus ou moins épaisses.
Elles correspondent à un début de décomposition et de fragmentation du granite profond sous-jacent très dur et imperméable, témoignage de l’ère primaire et dont la surface correspond à la zone de glissement des eaux : en dessous, l’eau n’existe pas. La transformation du granite en gneiss a fait apparaitre des fissures et failles verticales qui laissent l’eau de ruissellement s’enfoncer jusque dans les couches profondes. La matière, avec le temps est progressivement fragmentée et petit à petit «digérée» par l’action de l’eau, du gel, du pH, du vent, des contraintes mécaniques, etc..et bien sûr de l’homme, On en arrive finalement à ce mélange de sable et d’argile qui s’appelle le « gore » dans notre région. Celui-ci se retrouve en poches très hydrophiles au milieu du gneiss en voie de dégénérescence ou est emporté par les eaux de ruissellement vers les zones basses d’alluvions. Gonflé par l’eau ce gore est lui-même totalement imperméable.
Tout cela explique pourquoi Chazelles a du s’orienter très vite, dès le début de l’industrialisation de la fabrication des chapeaux, vers le captage des eaux de surface pour assurer son alimentation puisque son sous-sol n’en avait pas : cette industrie en était extrêmement dépendante et les petits bassins, boutasses et puits ne suffisaient plus à assurer la quantité nécessaire : il fallait alors récupérer l’eau plus bas dans l’Anzieux ou la Gimond puis la remonter, ce qui demandait des efforts importants. On est donc allé la chercher plus haut à la source de la Gimond, pour la faire descendre par gravité et l’amener en ville grâce à une conduite puis on a construit un barrage sur cette rivière en 1925 pour permettre l’adaptation aux besoins : il est situé entre Aveize et Grezieu-le Marché. C’étaient les seules possibilités à l’époque et cela ne s’est pas fait sans heurts avec les villages dépendant du même bassin.
Même si l’on dénombre de nombreux puits et s’il se dit que Chazelles a un sous-sol très humide, les différents forages prospectifs réalisés n’ont jamais montré de quantités suffisantes d’eau pour être exploitables. De plus des puits jugés populairement intarissables ne donnent pas de débits supérieurs à 3 m₃/ heure. C’est la présence dominante de ces gneiss disposés en feuilles, très perméables, qui ne permet pas de retenir l’eau. Elle descend très vite vers les zones les plus basses des fractures où elle s’accumule en poches au-dessus du granite sain. C’est dans ces « réservoirs » qu’un forage devient possible et rentable mais on est alors loin de Chazelles mais aussi de 50 à 100 mètres en dessous (voir le schéma plus haut).
Connaitre aujourd’hui ce que l’on a sous ses pieds peut donc être utile pour aider dans le choix des orientations industrielles. Le problème de l’eau à Chazelles a toujours été crucial notamment pour la chapellerie : il y a d’ailleurs eu des disettes. Les maires successifs ont toujours eu le souci d’en assurer la gestion au mieux des intérêts des particuliers et des usines. Si cela a un peu changé aujourd’hui avec les interconnexions de réseaux qui limitent les risques de pénurie (on fait monter de l’eau depuis les bassins inférieurs mais à quel coût?), Chazelles pourrait-il rouvrir aujourd’hui les dizaines de chapelleries qui faisaient sa gloire il y a 100 ans ?