Ainsi que promis nous vous offrons une solution à la venue d’un breton Louis Coatalen à Chazelles-sur-Lyon pour mettre en place la fabrication de bougies d’allumage pour les automobiles. Elle est certes fragile mais tient cependant sur des témoignages familiaux fiables. Souhaitons que nos hypothèses soient confirmées par une future biographie en passe d’être publiée en Angleterre par un membre de la famille Coatalen.
Concevez qu’il est tout de même surprenant de voir arriver à Chazelles un équipementier automobile qui emmène avec lui une réputation extraordinaire de motoriste, adulé par Winston Churchill, conseiller du défunt récent Georges V, roi d’Angleterre. Certes c’est la capitale française du chapeau en feutre de poils, certes tout le monde sait que Chazelles est le “centre” (!) du monde, comme le racontera un de nos prochain article mais il habite dans la riche couronne de Paris et travaille sur des projets de moteur à Suresnes, côtoie les grands groupes fabricants d’avions et d’automobiles.
Louis Coatalen, on l’a vu, a vendu toutes ses participations financières acquises par son travail dans les sociétés automobiles anglaises dès qu’il est rentré en France pour se reposer après un accident cardiaque et des déboires professionnels liés à l’échec de sa voiture “Silver Bullet” à Daytona. Cela ne l’a pas empêché de rester dans les affaires automobiles puisqu’il achète la Société Française des Freins hydrauliques Lockheed dont il devient président: elle équipe alors la plupart des voitures françaises de l’époque. Il garde en plus ainsi d’étroites relations avec les avionneurs pour lesquels il poursuit des recherches sur les moteurs : il prépare ainsi un V12 Panhard. Il acquiert aussi, probablement grâce à son ami Kenelm Lee Guinness, tous les droits pour KLG en France. Comme il lui reste encore quelques capitaux, il s’achète une maison à Capri et un yacht en Méditerranée pour passer du temps au repos loin des tracas de l’industrie. Il a dans l’idée de fabriquer des bougies KLG en France. Ce sont pour lui les meilleures du monde et elles ont accompagné tous ses records permettant ainsi de multiplier très vite la vitesse des automobiles : ce sera une future publicité.
En attendant il cherche l’endroit idéal pour placer son usine mais on est à l’aube de la 2° guerre mondiale et le climat n’est pas propice aux initiatives. Il va pourtant tourner la tête vers Chazelles.
Louis Coatalen connait bien Paul Berthier, directeur des aciéries de la Marine à Saint-Chamond. Madeleine Berthier, sa fille se marie d’ailleurs avec son fils Jean en septembre 1939. Il entre ainsi en relation avec Antoine Pinay, fils d’un industriel chapelier (chapeaux de paille) de Saint- Symphorien-sur-Coise qui a pourtant choisi après son mariage de prendre en charge la tannerie de son beau-père à Saint-Chamond. Il devient maire de cette ville en 1929 puis conseiller général du canton en 1934 et est député de la Loire en 1936. Il est ami avec Max Fléchet, industriel chapelier (chapeaux de feutre de poil) de 10 ans son cadet, lui-même conseiller général du canton sous la même étiquette depuis 1932 et personnalité publique locale de plus en plus importante. C’est probablement lui qui énonce le problème de plus en plus crucial de la Manufacture Provot à Chazelles : elle n’a plus de visibilité à court terme avec de gros risques sur les emplois. En effet Eugène Provot s’est retiré des activités municipales et cantonales depuis 1920 et il décède en 1932 sans pouvoir transmettre sa manufacture. Il a eu deux filles qui n’ont pas eu d’enfants, deux gendres Paul Poncetton, avocat et administrateur des Hospices de Saint-Etienne et Paul Quinson qui n’ont rien à voir dans les chapeaux. La famille cherche certainement à vendre une usine que ne peuvent absorber les autres fabriques de chapeaux. Les Peugeot aurait un temps été approchés, dit-on, mais il y aurait eu une certaine opposition de Chazelles à la venue de cette entreprise par crainte de voir les bons ouvriers chapeliers se débaucher pour une société aussi prestigieuse. On note par ailleurs que dans cette période d’avant-guerre, les Établissements Provot fabriquent du tissu de feutre industriel pour les joints, les filtres et le graissage: des informations dans les annuaires industriels au répertoire des feutres avec la présence des “Ets Provot” de Chazelles sont là pour en témoigner, début de reconversion ? Il n’y a malheureusement plus de chazellois de cette époque pour confirmer ces “on-dit”. Toujours est-il que selon un témoignage fiable de la famille de Louis Coatalen, c’est Antoine Pinay qui aurait proposé l’usine Provot à l’industriel franco-anglais pour la fabrication des bougies KLG. Ainsi en 1938, l’homme pose ses valises à Chazelles et transforme l’usine. Les premiers directeurs seront ses fils (ils ont eu aussi des vies trépidantes qui méritent un regard; partez à leur rencontre!) : Hervé, quelques années puis Jean, fort peu longtemps suivis de 1950 à 1963 par Albert Glehen, un cousin breton. Tous vont demeurer tour à tour dans le petit château de l’avenue des Tilleuls qui avait appartenu au chapelier Ferrier. L’usine va se développer rapidement devenant la référence de cette industrie en France.
La suite de l’histoire KLG, les relations avec Eyquem et Renault vous seront bientôt racontées. Vous découvrirez aussi l’histoire de Julien Vartet, homme de théâtre, de son vrai nom Jean Maurice Vacher, fondateur de Labo-Industrie qui achète en 1963, après le départ d’Albert Glehen, KLG Eyquem. Cela prélude aux multiples changements qui vont suivre : Cibal, Sagem, Borg Warner, Beru pour en arriver… aux américains de Fédéral Mogul qui sont là aujourd’hui. Ce seront d’autres chapitres de cette saga industrielle chazelloise.
PS. Toute cette histoire est racontée sous la responsabilité de l’auteur avec des hypothèses historiques étayées par des recherches et des informations familiales sérieuses provenant de la famille Coatalen. Bien sûr comme toute construction s’appuyant sur certains éléments subjectifs, il y a une certaine fragilité. L’instauration d’un dialogue sur cette histoire autour de faits nouveaux à apporter est bienvenue. Si vous avez ainsi des éléments qui méritent selon vous d’être rapportés ou rectifiés, adressez-les à phiaac42140@gmail.com, nous les publierons.