Hélène Lannier est une jeune chercheuse doctorante de l’Université Lyon II qui prépare actuellement une thèse de Littérature Française avec pour thème « Benoît Lecourt, un juriste humaniste à Lyon dans les années 1530-1550 ». Elle nous a offert une très belle conférence sur les humanistes pelauds de la Renaissance organisée par le groupe Patrimoine de Saint-Symphorien-sur-Coise: une réussite avec un contenu scientifique passionnant et une présentation très claire.
Dans le cadre de ses recherches qui l’ont naturellement orienté vers Saint-Symphorien-sur-Coise dont Benoit Lecourt ([Le] Court) est originaire, elle a été amenée dans son parcours à croiser la route de nombreux « humanistes » pelauds de plus ou moins grand renom dont le célèbre Symphorien Champier, par ailleurs médecin, qui possède une rue dans son village natal mais aussi à Lyon dans le quartier des Cordeliers. Les deux hommes sont parents mais il y a aussi dans la famille Jean Des Gouttes et Jean Thélusson. Ces pelauds participent activement au mouvement humaniste lyonnais qui prend racine à Lyon sous l’impulsion de Barthelemy Buyer. Ce lyonnais qui a fait ses études en Sorbonne va amener à Lyon l’imprimerie qu’il découvre à Paris où des disciples de Gutenberg l’ont introduite.
La ville qui n’a pas d’université est à l’inverse un grand carrefour commercial entre le nord et le sud d’une Europe naissante avec quatre foires internationales annuelles et devient alors un grand centre d’imprimerie favorisant ainsi le rapprochement entre les humanistes de la Renaissance. On est à l’époque de François 1°.
Elle vient donc nous parler ce soir de ces pelauds dans la magnifique chapelle de l’Hôtel-Dieu de Saint-Symphorien récemment restaurée pour servir de lieu à la fois cultuel et culturel. Elle est écoutée par une assistance très garnie faite de passionnés d’histoire et de littérature.
Après nous avoir précisé les remarques plus haut signalées, elle a développé la biographie de nos quatre protagonistes, tous parents.
Symphorien Champier
Le moins oublié de tous est issu d’une famille de drapiers mais on trouve aussi dans la famille un notaire. Il nait en 1471/1472, fait des études de médecine à Montpellier, devient le médecin et ami d’Antoine, duc de Lorraine, participe à la guerre d’Italie et à la bataille de Marignan avec François 1°. Il y est nommé chevalier. Il revient, après un passage en Lorraine, s’installer à Lyon et est un des artisans de la création de l’Hôtel-Dieu où Rabelais est nommé médecin en 1532 en provenance, lui aussi, de Montpellier.
Mais c’est aussi un grand humaniste et philosophe. Il communique en latin, écrit beaucoup et publie énormément. Il crée le Collège de La Trinité. En 1503, il fait éditer la vie de Bayard, un parent du côté de sa mère. Il possède une très belle collection de livres pour l’époque, est en contact avec Fernando Cólon, le fils du célèbre navigateur, lui aussi humaniste et passionné de livres. Ce dernier aura une collection considérable de 15.381 ouvrages que l’on peut retrouver aujourd’hui à Seville. On y trouve un ouvrage que Symphorien Champier semble lui avoir offert lors d’un passage à Lyon : le contenu du livre n’est autre que la liste de ses œuvres !
Benoit Le Court ou Lecourt
La famille Court, nom primitif, est originaire de Saint Andéol. Il s’agit de notables. On vit dans l’aisance avec des nombreuses propriétés et terres. Les membres sont juristes ou ecclésiastiques avec des juges, des notaires et des prêtres. Les Lecourt sont liés au château de Pluvy. Ils sont parents avec les Champier.
Benoit Lecourt est docteur en droit. Il a fait ses études à Paris et revient sur Lyon en 1530 où il s’installe comme avocat. Il est tout de suite aidé par son parent: Symphorien Champier. Il aurait pû aussi avoir la charge de la cure de Coise. Il est nommé chevalier de l’Eglise à Lyon, comme son oncle Simon. C’est aussi un humaniste qui écrit 3 livres dont 1 de droit en 1543 et un autre sur l’histoire des jardins et des arbres. Il accumule une importante collection de livres. Ce sont 159 ouvrages pour la plupart en latin qui sont tous reliés de cuir de veau et estampés sur le plat du livre par des fers personnalisés qui marquent sa propriété. On retrouve les mêmes marques au château de Pluvy. Certains proviennent du libraire-éditeur lyonnais Sébastien Gryphe qui se trouve aussi dans la mouvance humaniste : il a notamment édité pour Rabelais. Benoit Lecourt meurt en 1559. Sa collection de livre, qui a occupé la bibliothèque du château de Pluvy, a aujourd’hui été dispersée parmi les héritiers Lecourt et différents acquéreurs notamment américains. Son étude permet de retrouver à travers les annotations un grand nombre de lettrés lyonnais du moment Une trentaine d’ouvrages a été acquise par la Bibliothèque de Lyon. On peut en voir certains en suivant le lien NUMELYON
Jean Des Gouttes
C’est un neveu de Benoit Lecourt. Ce pelaud nait en 1509. Il est issu de la paysannerie locale. La famille s’enrichit par alliances. On trouve parmi ses membres un tanneur à Saint Symphorien mais aussi un chanoine. C’est son oncle qui l’introduit dans le milieu humaniste. Il publie « Philandre » en 1544 à Lyon chez Jean de Tournes. Ce roman fait figure d’exception dans la production romanesque française du XVI° siècle. Il est employé par l’Eglise et traduit Lucien. Il travaille aussi avec Jean Thélusson pour l’édition de « Orlando Furioso » de Ludovico Ariosto, dit « l’Arioste » cette même année. Il meurt en 1563.
Jean Thélusson
C’est aussi un pelaud qui semble être allié à Jean Des Gouttes par une de ses sœurs. Il est probablement marchand-libraire et participe à la publication du « Roland Furieux » plus haut cité, dont il détient les droits d’édition.
Notre avis
Une conférence passionnante qui a mis en lumière le rôle de Lyon comme carrefour des pensées avec pour starter de cette fonction : l’imprimerie, le livre (dans une ville surtout réputée pour ses activités commerciales et sa proximité avec l’Italie, berceau d’une Renaissance que François 1° est allé chercher) et des personnages descendus des Monts du Lyonnais.
Ils sont issus d’un même village, vont avoir une influence déterminante pour l’apparition de l’humanisme à Lyon qui en deviendra la capitale. Il suffit de nommer Maurice Scève, Pernette du Guillet et Louise Labé pour s’en convaincre. C’est aussi à cette époque que François Sala, Clément Marot, Michel Servet… et Symphorien Champier se retrouvent à “l’Académie de Fourvière” où l’on y discute sciences, lettres, poésie, religion ou philosophie pour “améliorer” les mœurs et l’esprit. L’idée médiévale du savoir divin a disparu au profit de la curiosité et de la liberté de pensée.
Merci à Hélène Lannier et au groupe Patrimoine de Saint-Symphorien-sur-Coise pour cette belle soirée.