Bien loin des consoles « PlayStation » ou autres jeux électroniques et smartphones auxquels nos bambins et ados s’adonnent aujourd’hui dans leur chambre, les jeux de la plupart des gamins des années cinquante se pratiquaient dans la rue. Il faut dire, qu’à cette époque, il n’y avait pas grande circulation et même des parties de foot pouvaient s’y organiser sans encombre avec, bien sûr, un arrêt de jeu au passage d’une rare voiture.
Les trottoirs en terre, eux, avaient une autre destination : LES BILLES !
Si ce jeu semble revenir épisodiquement à la mode, je crains bien qu’il n’obtienne jamais le nombre d’adeptes qu’il eut dans mon enfance. En-dehors de la multiplicité des autres jeux qui s’offrent à nos enfants, peut-être le goudronnage général y est-il aussi pour quelque chose ? Rares, en effet, sont encore les endroits où l’on pourrait y jouer.
Par amusement, j’ai essayé de retrouver dans ma mémoire tout ce que j’ai connu de ce sport (?) qui m’a fait passer de bien bons moments.
Comme je l’ai mentionné, la surface en terre des trottoirs était le lieu idéal. Les passants étaient généralement compréhensifs et faisaient même un détour.
Quant aux billes on en disposait de trois sortes :
– les billes en terre, peintes de toutes les couleurs, qui constituaient, si l’on peut dire, « la monnaie courante ». Je crois me souvenir qu’au bazar du père Bruyat (ensuite J. et B. Roze et aujourd’hui N. et C. Pallandre-Sajou) elles coûtaient un centime d’ancien franc les six, un prix très abordable pour se constituer un petit « capital de base ». Venaient ensuite les échanges, les gains ou les pertes au cours des jeux.
– les agates, en verre coloré opaque ou transparent avec des motifs de couleur à l’intérieur. De plus grande valeur, elles étaient plus particulièrement utilisées pour percuter les billes en terre ou pour les jeux d’adresse, elles servaient aussi de monnaie d’échange.
– les boulons ou calots, de plus grande taille, en verre, parfois même en fer (récupération de roulement à billes…) étaient assez peu utilisés.
Il fallait apprendre la « technique » pour lancer l’agate (rarement la bille) : soutenue par le majeur et coincée entre le pouce et l’index, l’ongle du pouce la propulsait d’un geste sec.
Les jeux, se répartissaient en deux catégories :
– les jeux d’adresse se résumant à une simple compétition : le pot et le serpent
Pour le pot, il suffisait de tracer un trait et plus ou moins loin, de creuser un trou un peu plus grand qu’une agate. Derrière le trait, chaque participant lançait son agate et par petits coups, il s’agissait de faire entrer, le premier, l’agate dans le trou. Finalement, un genre de mini-golf sans club…
Pour le serpent, on traçait deux traits parallèles simulant un chemin, avec des virages plus ou moins prononcés, puis on fixait un point de départ et d’arrivée. Il fallait ensuite faire avancer la bille jusqu’à l’arrivée. Si, par malheur, la bille sortait du chemin, il fallait retourner au point de départ. Evidemment, le gagnant était celui qui atteignait le premier la ligne d’arrivée
– les jeux de « rapport », le « carré » et le « goulu », là on pouvait gagner ou perdre des billes.
Pour le carré, celui-ci étant tracé, chaque joueur y mettait à l’intérieur un nombre de billes égal. Ensuite, à partir d’un trait, chacun à son tour lançait son agate. Toujours en lançant l’agate, il s’agissait de s’approcher au plus près du carré et ensuite de lancer l’agate le plus fort possible sur les billes du carré pour en faire sortir un maximum, les sortantes étaient gagnées.
Pour le « goulu », un aménagement bien simple : juste creuser un trou assez large contre un mur. Deux joueurs pariaient : pair ou impair et ils misaient de deux jusqu’à un nombre variable de billes, tout dépendait de la témérité ou la prudence des joueurs. Le lanceur récupérait l’ensemble des billes et les lançait assez fort sur le « goulu », les billes s’éparpillaient dedans et en-dehors de celui-ci. Il fallait ensuite compter les billes dans le « goulu » et, pour vérifier, celles restées en dehors. Avait gagné celui qui avait parié sur le nombre pair ou impair des billes restées dans et hors le goulu.
Toujours au sujet du « goulu », je me souviens des jeudis, alors jour de repos des écoliers, et des bandes de gosses, sortant ou non du catéchisme et se retrouvant sur le trottoir du bas de la place Poterne. En effet, ce trottoir était le « centre commercial » des goulus, ils étaient alignés tout au long des murs des maisons sans même que les propriétaires y trouvent vraiment à redire, on était tolérant à l’époque.
Les paris allaient à qui mieux mieux, ainsi, j’ai vu une fois jouer « la 128 » par deux acharnés, autrement dit 64 billes par joueur ce qui signifiait que l’un des deux perdrait 64 billes d’un seul coup !… Quelle audace, mais aussi, quelle gloriole auprès des copains pour le gagnant. Bien sûr, les mains étaient trop petites pour contenir toutes les billes et le lancer s’est fait au moyen d’un béret, bien plein !… On se doute du « travail » pour faire le compte ensuite et en cas de contestation, il fallait alors recompter. En définitive, une bonne leçon d’arithmétique…
Parallèlement aux jeux, un véritable marché aux billes se tenait, échanges entre billes et agates, agates contre agates, certains, ayant deux sous de côté, allaient même jusqu’à en acheter… au marché noir, si l’on peut dire.
La « corne » de midi des usines Fléchet et Morreton marquait le « rien ne va plus » et les mômes se carapataient vers la soupe, les billes cliquetant dans leurs poches.
Nostalgie d’un vieux « chnoque » d’une époque aux plaisirs si simples…