Le Clos Ebrard….
Le Clos Ebrard, c’était il y a bien longtemps, à la fin du XIX° siècle…Puis ce fut le Clos Moulin, à partir de la guerre de 1940…C’est aujourd’hui la propriété de la famille Nouis-Moulin…
Le Clos Ebrard, c’est cette grande propriété, cernée de murs en pisé, (deux d’entre eux ont été démolis au fil des ans), mais le plus important longe encore la route de Viricelles, près du lotissement des Champs Fleuris.
Ce clos naquit en 1877, lorsque le 8 mai, François Pierre Benoît Ebrard, celui que l’on nommera, en famille, « l’oncle Pierre », acheta à la famille Pupier, en l’étude de Maître Virenque de Saint-Symphorien-sur-Coise, 36,95 ares pour 900 francs, sur la route de Viricelles, à droite, en descendant.
C’est le 27 septembre 1872, que Pierre se marie à Chazelles-sur-Lyon, avec une Chazelloise, Marie-Antoinette Giraud, née le 24 mai 1851, fille légitime de Jean-Baptiste Giraud et Pierrette Pitaval, une famille de maçons.
Le couple s’installe place de la Poterne, et le 19 août 1873, un drame les frappe, la naissance d’un enfant, mort-né, de sexe féminin, et dont l’état civil ne précise pas le prénom. Puis le 26 octobre 1874, c’est la naissance de Vincent, Paul, Edouard, toujours place de la Poterne. Mais le 31 juillet 1880, Vincent décède, rue de La Font, (orthographe relevée sur l’acte de décès). Il semble que le couple n’ait pas eu d’autre enfant.
Pierre a fait son tour de France. Jardinier, il avait économisé et put acheter un premier terrain, qui deviendra le clos, un pré avec des rochers et des genêts où pâturaient des moutons.
Le 21 janvier 1888, il agrandit sa propriété en achetant aux consorts Pupier-Palmier, 26,70 ares pour 700 francs, et le 24 janvier de la même année, 25,35 ares pour 400 francs aux consorts Goutagny-Thollot.
Cultiver dans cet immense jardin a nécessité des aménagements. C’est l’époque où se crée la ligne de tram, Viricelles-Saint-Symphorien-sur-Coise : auparavant, c’était avec des animaux qu’étaient livrés le charbon pour les usines et les troupeaux pour les abattoirs. Pour installer le tram, il fallait du ballast : Pierre vendit donc une partie des rochers de son clos ; à 20 ou 30 personnes, des journaliers extrayaient la caillasse. Cet argent permit à Pierre de creuser deux énormes puits, l’un près de l’entrée, et l’autre dans le deuxième jardin, jardins ainsi nommés car ils étaient délimités de murs. Tous ces murs, de même que la maison, ont été construits avec les rochers extraits du terrain. Il fit même édifier une éolienne, qui existe toujours, mais qui ne fonctionne plus, fidèle vigie dominant le quartier. Elle a tourné en 1900, lors de la Foire de Paris. C’est la maison Plissonnier de Lyon, quartier de Moulin à Vent, qui l’a fabriquée.
Il y a de l’eau : Pierre va créer des tuyauteries qui serpenteront à travers tout le jardin, pour faciliter et régler l’arrosage ; grâce à la puissance de l’éolienne, l’eau est remontée jusque dans un grand réservoir, aux murs de pierre et de béton, épais de 50 centimètres.
Pierre va ainsi cultiver, dans cet immense jardin, fruits et légumes qu’il vend dans un magasin, en ville. Il a aussi créé un rucher dans le 3° jardin : un endroit enfermé dans des arbres, notamment des ifs dont le bois a des propriétés inégalables, où il installa plusieurs ruches, juchées sur des dalles, en ardoise ou granite, un support naturel favorable aux abeilles. Il récoltait le miel et le vendait. Il avait également planté de nombreux arbres fruitiers.
Et il a une idée nouvelle : louer un avion pour prendre des photos qui deviendront les cartes postales de la Collection Ebrard, qu’il vend aussi, notamment dans le magasin, au carrefour Saint-Roch.
N’ayant pas d’enfant, Pierre fera venir de Fraisses, quelques-uns de ses neveux, enfants de son frère, François Ebrard, et de Philomène Giraud, sœur de son épouse : Antoine, puis Isabelle, Alphonse, et enfin Louise..
Antoine (1879-1963), tint un magasin, rue Noire, (aujourd’hui rue Honoré d’Urfé) avec une ouverture sur la rue Lafont , face à une brasserie, où il avait de grandes habitudes !
Au début, l’oncle Pierre et son épouse, Antoinette, vendaient des légumes et des fleurs, dans leur maison du Carrefour Saint-Roch. Deux maisons adossées l’une à l’autre et réunies en une seule, avec une entrée sur la rue de Lyon, (il y avait autrefois des maisons en face, démolies dans les années 60 pour donner de l’air au quartier) et une entrée sur la rue Saint-Roch d’aujourd’hui (auparavant la rue Vieille, rue centrale dès le Moyen Age). On voyait, à l’intérieur, la dénivellation avec quelques marches d’écart.
Le 17 avril 1906, Pierre Ebrard et son épouse vendent à leur nièce, Isabelle, (1881-1959), la nue propriété de cette maison, ainsi que les deux autres jardins du clos, soit 52 ares.
Les deux sœurs Ebrard, Isabelle et Louise, ont repris le magasin où elles vendaient livres, papeterie et articles religieux.
Après quelques sollicitations, la presse, la bonne presse, comme on disait alors, fut en vente au magasin, suite à une mission paroissiale. Mais jamais Louise n’accepta de vendre toute la presse, ce qui l’empêcha d’avoir le titre de « maison de la presse » ! Il était hors de question qu’elle vende « Nous Deux » ! Elle accepta les « Bonnes Soirées » et les « Veillées des Chaumières » seulement !
Ce magasin existe toujours, « la Librairie du grand Chemin » !
Le 23 juillet 1907, Pierre Ebrard et son épouse vendent à leur neveu, Alphonse Ebrard, une partie du jardin du clos, 26 ares. Il n’était pas trop jardinier, préférant chanter aux enterrements, mais il travailla en famille.
Hélas la première guerre mondiale emporta ce jeune jardinier ! Il laissait une jeune veuve, Marie Ebrard, qui exploitera ce jardin, et deux enfants, Gabrielle, née en 1912, et Joseph, né en 1914.
Veuf depuis le 30 novembre 1922, Pierre Ebrard décède en août 1926, à 81 ans.
Du 25 mars 1923 à 1929, les deux autres jardins de Pierre Ebrard sont loués à Pétrus Berdiel, 5 000 m2 et un réservoir de 90 m3, pour un montant de 800 francs par an. Isabelle renouvellera le bail à M. Berdiel, du 25 mars 1929 à 1935, pour 1 300 francs par an. C’est une négligence, ou un oubli, de ce Monsieur Berdiel qui mit fin au fonctionnement de l’éolienne : alors que le réservoir était à sec, il la mit un jour, en mouvement pour qu’elle puisse faire monter l’eau et arroser les jardins, mais il ne la bloqua pas avant son départ ; dans la nuit, la tempête s’éleva et l’éolienne, libre, se mit à tournoyer, ce qui faussa son axe. On voit bien la tige tordue. Deux pales furent arrachées et s’envolèrent sur une centaine de mètres ; on retrouva l’une dans le chemin des Calles, en contre bas de la route de Viricelles ; le Père Dussurgey remontait du charbon depuis la gare et son cheval fut effrayé par cette pale brillant au soleil ! Quant à la seconde, elle fut retrouvée par Dandi Gaulin, dans le jardin du père de Clovis Baronnier, au-delà donc de l’impasse Bras de Fer. Au fil des ans plusieurs volontaires, techniciens également, tentèrent de la réparer, à plusieurs reprises, mais en vain.
Cette magnifique éolienne est encore installée le long du mur du haut de la propriété, dans le deuxième jardin, juste au-dessus d’un des deux puits, (hélas bouché aujourd’hui), à proximité des constructions (réservoir, laboratoire de l’oncle Pierre) et qui furent vendues à Henri Moulin pour son commerce de primeurs et aujourd’hui il y a la maison de Gilles Moulin, fils d’Henri.
A noter que les constructions primitives, le réservoir particulièrement, avait des murs de 50 cm d’épaisseur, à la base, sur le roc, et 1,20 m en haut, en ciment hirondelle, un matériau très friable.
C’est en 1939 qu’est enregistrée la donation-partage de Marie Ebrard à ses enfants, et par laquelle Gabrielle qui avait épousé Robert Moulin, hérita du Clos Ebrard, pour la partie acquise par ses parents.
Dés lors, Gabrielle et Robert Moulin habitent le Clos où ils élèvent leur nombreuse famille. Jusqu’en 1995 les terrains sont loués à des chapeliers, en petites parcelles, de 100 à 200 m2, style jardins ouvriers. Ils arrosent avec l’eau du puits qu’ils font monter avec une pompe manuelle.
C’est à la mort d’Isabelle Ebrard, en 1959, que Gabrielle Ebrard-Moulin deviendra propriétaire de l’ensemble des jardins et de la maison abritant le commerce au carrefour Saint-Roch.
Dans ce clos, il y avait une immense serre, construite par le fameux oncle Pierre et qui fut louée à Joseph Valette, pépiniériste et horticulteur à Chazelles, (celui qui fut à l’origine du groupement des 4 Cantons).
Il y avait également des petites statues, logées dans des niches, creusées dans les murs des jardins : un Sacré Cœur, dans le 3° jardin, une Vierge près de l’éolienne et Saint-Joseph dans le premier jardin.
De 1938 à 1995, c’était le Clos Moulin. Celui où les enfants de Gabrielle et Robert avaient été élevés : Marie-Jo, l’institutrice, Henri le forain primeurs, Odile qui travailla en chapellerie, avant de partir en Lorraine puis en Provence, Daniel installé en région lyonnaise, Anne-Marie qui reprit le commerce du carrefour Saint-Roch après le départ en retraite de Louise Ebrard, Paul qui conduisit les cars à La Flèche Bleue, Georges parti en Haute-Savoie, Jean-Louis qui a sa maison dans le Clos, Agnès installée à Saint-Galmier, Dominique à Saint-Etienne, Marie-Cécile en Haute-Savoie.
A noter que les garçons de cette fratrie, à l’exception d’Henri, sont tous allés au Plagnal ! Les filles, elles, allaient à Chazelles-sur-Lavieu.
Après le décès de Gabrielle Ebrard Moulin, en 1995, c’est sa petite-fille, Catherine, fille d’Henri, qui acheta le Clos avec son époux Laurent Nouis, en 2002.
L’histoire se poursuit en famille. Catherine a agrandi et rénové la maison, son frère Gilles a repris la propriété de son père et a construit sa maison, auprès de Jean-Louis qui y est installé depuis 1983.
Au fil des ans, le Clos s’est transformé…La serre a disparu en 1978, le mur sur l’impasse Bras de Fer a été détruit pour offrir des accès aux nouvelles maisons, les grands cèdres ont été coupés en 1998, les puits ont été comblés à l’aube du XXI° siècle, …A ce jour, l’éolienne domine encore le quartier !
Agnès et Paul Moulin, le 2 mai 2018
Publié avec l’autorisation des auteurs.