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LE VCS [1] QUARANTE ANS DE VIE AVEC LE TRAM DES CHAPEAUX par Pierre MATHIEU

LA BROUETTE.

homme a brouetteEtienne BERNE remonte le chemin des Calles avec sa brouette pleine de menu charbon, tandis que devant un attelage de bœufs tire un brancard de pérat. Il fait deux trajets par jour jusqu’à la gare de Viricelles, ouverte en 1876 sur la ligne Mangini, devenue PLM Lyon-Montbrison. Elle est située à la sortie d’un grand tunnel de 850 mètres qui passe sous le village.

Cela a transformé la vie des usines de Chazelles, qui devaient auparavant s’approvisionner notamment en charbon à Saint-Bonnet-les-Oules, gare la plus proche sur la ligne Saint-Etienne – Andrézieux. Il transporte du charbon pour les installations de l’usine à gaz appartenant à la société Descours de Lyon. Elle a  été construite la même année que l’ouverture de la ligne PLM, il y a 19 ans. Depuis cette époque, il effectue tous les jours ce même trajet, le chemin des Calles. La grimpette mesure un kilomètre et demi, et l’on s’élève de près de 100 mètres. Cela demande une petite heure d’efforts importants au milieu des cailloux, ornières et trous d’eau, sur une voie non carrossable, mais la plus courte possible. L’homme et ses bêtes connaissent le chemin sur le bout des sabots et des godillots depuis qu’ils le parcourent à raison de 5 allers et retours par jour. La vie est dure, mais il faut bien ce rythme pour pouvoir vivre de ce travail. Des petites entreprises de transport ont vu le jour depuis l’arrivée du train, et leurs chariots occupent le chemin qui, depuis Chazelles-sur-Lyon, mène à la gare, puis au bourg de Viricelles, et enfin à la départementale n°1, celle de Montbrison à Lyon, et que suit la ligne de chemin de fer ainsi également nommée. S’il relève la tête, il aperçoit la cheminée et les bâtiments de l’usine PROVOT, qui sont juste au-dessus du gazomètre, et séparés de cet ouvrage par un étang qui sert de réserve d’eau : il en faut beaucoup pour faire le feutre ou pour laver le coke sorti des cornues après que la houille ait fait échapper son gaz.

C’est avec lui, une fois « lavé » et délivré de son hydrogène sulfuré après passage sur un lit de pyrite provenant des carrières toutes proches de Sain Bel, que l’on alimente les lampes qui éclairent les ateliers des usines. Il n’y a pas encore l’électricité dans la ville, même si on en connaît depuis longtemps l’existence. Cette manufacture moderne a été construite en 1871 par Eugène PROVOT, un alsacien plein de dynamisme, venu défier en 1871 les méthodes de fabrication quasi artisanales du chapeau de feutre de Chazelles en créant véritablement la première chapellerie industrielle : la Manufacture Française des Chapeaux Feutre  et Laine. Il s’était marié avec la fille d’un ancien maire de la ville, Louis NÉEL, décédé en 1865. Il est lui-même maire depuis 1878. Déjà vers 1850, une petite révolution avait eu lieu dans la façon de concevoir l’ industrie du feutre, très polluante, très dure à supporter sur le plan physique avec l’usage notamment de dérivés mercuriels toxiques, dans la moiteur et la chaleur des ateliers ou près des machines à vapeur apparues récemment et distribuant leur énergie dans les courroies, poulies et roues dentées des machines qui se sont progressivement installées aussi chez FRANCE, FLÉCHET, FERRIER,  MORRETON ou BLANCHARD, pour ne citer que les plus grosses usines du moment. Elles sont une vingtaine à posséder chacune une magnifique cheminée de briques. Toutes, plus hautes les unes que les autres, veulent aller caresser le ciel avec leurs volutes de fumées ininterrompues : elles donnent à cette petite ville un air de gâteau d’anniversaire après que les bougies viennent d’être soufflées. Les usines de Chazelles se sont en effet progressivement affranchies de la tutelle lyonnaise, et plutôt que de livrer les cloches de feutre à bâtir, elles se sont transformées, avec l’aide d’autres petites entreprises travaillant le ruban et le cuir, pour proposer le chapeau fini avec des formes modernes et attrayantes qui ont envahi le pays, faisant ainsi une renommée nationale à ce village.

LE CHEVAL.

charette 1 chevalAu même moment, Antoine BROSSE, qui habite à Grézieu-le-Marché, monte à grand-peine la route de Pomeys depuis Saint-Symphorien-sur-Coise avec un chariot plein de salaisons tiré par deux chevaux percherons qu’il emmène à la gare PLM de Meys. Il avait déjà ce matin réceptionné dans cette même gare des bottes de paille pour la manufacture de chapeaux PINAY, qu’il avait livrées avant de recharger chez LOSTE. Il tient une petite entreprise de transport depuis 10 ans, descend et remonte des marchandises, mais aussi des voyageurs quand cela est possible.

Il a beaucoup investi dans 2 voitures longues, qui permettent de faire asseoir les passagers sur les côtés, avec le fret au centre. Il a embauché il y a 2 ans un commis, qui assure aussi des trajets le mercredi et samedi, jours de marché. Il prend aussi en charge avec une vieille bétaillère à deux essieux deux jours par semaine le transport de porcs venus de la plaine du Forez, qu’il monte vers les petites usines de salaison du canton. Le chemin est assez bien entretenu par le département du Rhône, et sa position de travail assise lui permet de manger tranquillement en ce moment un morceau de « patchi » préparé au four dans la nuit en guise de repas de midi.

Peu après La Gimond, qui borde la commune de Pomeys, François SÉON vient d’entamer la remontée vers Hurongues sur la commune de Saint-Symphorien ; il a avalé sans peine la grande descente si dangereuse après la sortie de Chazelles.

Son attelage à deux lignes de paire formé de 4 superbes frisons noirs lui permet de réaliser le parcours à plein avec 12 tonnes de sacs d’anthracite en un peu plus d’une heure. Il prend au retour, tant à Saint-Symphorien qu’à Chazelles, des centaines de cartons de chapeaux entassés dans de grandes caisses en bois à délivrer dans la France entière et remises pour expédition à la compagnie de chemin de fer PLM qu’il trouve, comme son ami Etienne BERNE, à la gare de Viricelles.

Il sifflote et pense à demain : l’avenir dans le transport, pour lui, c’est le camion : il est plein d’admiration et d’intérêt pour les moteurs thermiques qu’un Monsieur Diesel est en train de mettre au point et de monter sur un plateau avec des roues. Il paraît d’ailleurs qu’à Lyon, un certain Berliet s’active aussi à la mise au point d’un véhicule qui, avec un bon moteur, doit pouvoir aller partout où il y a un chemin. En attendant, il n’a pas besoin de faire claquer le fouet pour donner un bon train à l’attelage, qui file sans effort à plus de 15 kilomètres à l’heure.

LE TRAM.

tram

Nos trois compères et amis découvrent ensemble un matin de 1895  dans le journal local le résultat d’un plaidoyer pour une ligne de tramway allant de Viricelles à Saint-Symphorien-sur-Coise en passant par Chazelles-sur-Lyon et répondant aux critères imposés par la loi de 1880 sur les chemins de fer d’intérêt local. Ce mode de transport devient de plus en plus courant. Cette proposition émane d’un certain Etienne LAVAL, maire d’Eveux, un village de la Brévenne au-dessus de L’Arbresle.

C’est la stupéfaction. Le trajet emprunté est la départementale qu’ils utilisent tous les jours et où il va falloir poser des rails à même le sol en accotement de la route après un décaissage de 15 à 20 cm comblé par des traverses de bois encastrées dans un cailloutis. C’est une voie ferrée métrique qui a l’avantage d’être légère, ne nécessite pas d’expropriation puisqu’elle occupe le domaine public, permet des rayons de courbe serrés, autorise avec la puissance des moteurs électriques de fortes pentes jusqu’à 6%, fonctionne lentement, souvent à la vitesse du pas de l’homme, et est déjà éprouvée et utilisée dans de nombreuses régions.

Y est mentionné l’ensemble des chiffres de fréquentation journalière par les « colliers » et leurs cargaisons de charbon, de peaux, d’eau, de balles de poils de lapin, de bottes de paille et de chapeaux, y compris le transport des porcs et des produits de salaison, sans oublier les voyageurs et les colis postaux. C’est en somme tout leur travail qui est analysé avec beaucoup d’autres petits transporteurs et qui semble justifier le tramway. Cela risque-t-il de remettre en cause leur activité ?

Il faut dire que le charbon est de plus en plus nécessaire pour alimenter les chaudières à vapeur qui ont transformé la vie dans les fabriques de chapeau de feutre à Chazelles ou de paille pour Saint-Symphorien. Les usines sont éclairées au gaz, et sa fabrication est aussi dépendante du charbon. Ils voient bien qu’il faut travailler sans arrêt, car les équipements fonctionnent en permanence jour et nuit et que tous les petits transporteurs n’arrivent plus à assurer la continuité des approvisionnements.

Etienne dit que, connaissant bien le maire de Chazelles, il se fera peut-être embaucher par la compagnie avec un petit coup de pouce et que ce sera la fin d’une vie de misère : il revendra ses bœufs.

Le second ne se fait pas trop de souci, car Meys n’est pas concerné par le tramway, et le troisième est certain que l’avenir est dans le transport automobile, vers lequel il mise pour orienter au besoin sa petite entreprise.

Etienne LAVAL obtient le 21 aout 1895 d’adjudication de la voie. Si habituellement, il n’y a pas d’expropriation pour poser la voie dans ce type de réalisation, puisqu’elle repose sur le domaine public, il faut dans le cas présent trouver des terrains pour l’implantation de l’usine qui fabriquera l’électricité, pour les garages et entrepôts du matériel. Le projet définitif d’Etienne LAVAL est entériné par le département du Rhône et de la Loire en 1897 et fixe les quelques expropriations à réaliser au profit de la compagnie, qui doit encore être créée. L’élargissement nécessaire de la route du côté du Rhône est pris en charge par ce département.

Mais le promoteur est décédé, semble-t-il, brutalement, en mars 1897, et le dossier doit être repris avec réalisation d’une nouvelle convention établie au profit de Barthelemy DURAND, son beau-fils, avec le soutien du frère de ce dernier : Pierre Marie DURAND. Le décret d’utilité publique est signé le 25 avril 1898 (J.O. du 5 mai 1898). Une  société des Tramways électriques de Viricelles – Chazelles à Saint-Symphorien-sur-Coise et extensions (VCS) voit le jour le 9 mars 1899.

Elle est fondée par Pierre Marie DURAND. Le capital social, fixé initialement à 350 000 F, est porté peu après à 425 000 F divisés en actions nominatives de 100 F. La substitution est approuvée par le décret du 17 août 1900 (J.O. du 22 septembre 1900). Les travaux, quant à eux, ont commencé en avril 1899 et sont rondement menés du côté de la Loire, puisqu’en août 1899, une première motrice peut monter depuis la gare VCS de Viricelles jusqu’ à celle du centre de Chazelles sur la rue Ramousse en face de l’hôtel de France, tenu par la famille ESCALLIER.

Il faudra un peu plus de temps du côté du Rhône, où il a fallu élargir la route. Mais l’inauguration a lieu le 15 octobre 1899 en présence de nombreuses personnalités, dont le directeur du VCS. Le montant total des dépenses pour la réalisation de la ligne s’est élevé à près de 924.000 F (autour de 2 millions d’euros actuels).

 Nous ne reviendrons pas sur le chemin parcouru, qui est largement décrit dans une revue de Chemins de Fer Régionaux et Urbains signalée dans la bibliographie,  article d’ailleurs largement repris dans le site de l’histoire de Chazelles et de plus agrémenté de très nombreuses cartes postales.

On peut simplement signaler à nouveau certaines caractéristiques remarquables.

Il faut que le matériel roulant absorbe une forte pente pour monter jusqu’au centre de la ville depuis la gare PLM, avec des passages atteignant par endroit des dénivelés de près 6 centimètres par mètre (un train normal ne peut pas franchir des pentes de plus de 2 cm par mètre). La sortie de la ville en direction de Saint-Symphorien comporte aussi un passage en forte pente avec un virage à très court rayon au lieu-dit Le Chazot, qui sera d’ailleurs le siège d’un grave accident que nous relaterons plus loin.

D’une longueur totale d’un peu moins de 10 kilomètres, à peu près répartis entre Loire et Rhône, la voie ne comporte aucune infrastructure particulière et est incorporée à la route sur une largeur de 2 mètres après un décaissement de 30 cm comblé par du cailloutis, dans lequel sont emprisonnées des traverses en bois posées tous les 90 cm, sur lesquelles sont fixés des rails métalliques de type Vignole. L’emprise sur le chemin départemental se fait sur le côté sud de la route.

Au départ de la ligne, à la gare PLM de Viricelles – Chazelles, des installations avec plaques tournantes sont construites pour mettre en connexion les voies ferrées classiques à écartement de 1 mètre 43 et celle, métrique, du tramway, afin de faciliter le transbordement des différentes marchandises entre les wagons et les zones de stockage sur les quais, mais aussi le croisement des motrices et des trains qu’elles tirent.

Au long de son trajet, la voie offre dès son arrivée dans Chazelles des aiguillages manipulés par levier qui permettant de dévier les wagons, notamment de charbon, vers les voies qui rentrent soit dans l’usine à gaz de la société DESCOURS de Lyon, soit desservent les usines de chapeaux FERRIER et PROVOT.

Ce dernier, ardent partisan du tramway, qu’il a soutenu durant ses mandats de maire, voit arriver rails et bennes à  charbon dans son établissement, ce moyen moderne de transport indispensable à l’expansion de son entreprise. Sur la rue Ramousse, au niveau de l’hôtel de France, il y a une zone de croisement à deux voies pour les trains. Au bout de la rue, il y a deux autres embranchements, l’un à l’origine d’une voie qui mène aux usines FLÉCHET et l’autre, en forme de tiroir, menant à un quai muni d’une grue qui permet de décharger sur une plate-forme les gros colis. On trouve plus loin un autre embranchement au niveau de l’usine électrique de La Gimond, permettant aux motrices et voitures ou wagons de rentrer dans un hangar destiné à leur entretien et leurs réparations. Il y en a un autre, au niveau de Hurongues, qui dessert un garage pour le matériel roulant. A cet endroit, on a une nouvelle zone de croisement avec double voie.

A l’arrivée dans la ville de Saint-Symphorien, tout de suite avant l’hôtel du Sud (actuelle école mariste), on trouve un double raccordement à voies croisées, celle du dépôt et les deux de service, qui sont reliées entre elles par un jeu de plaque tournantes d’extrémité. Cela permet d’une part le retournement des voitures, mais aussi leur entrée dans la gare ou leur poursuite vers l’usine PINAY et le terminus, qui se situe au début de la route de Saint-Martin.

Cinq immeubles appartenant au VCS sont retrouvés le long de cette ligne.

Il y a une bâtisse avec trois larges ouvertures à parements en briques : elle est construite à côté de la gare PLM de Viricelles et est de même facture architecturale. Elle sert de zone d’attente pour les passagers et d’entrepôt pour les colis provenant des messageries. Il y a des toilettes extérieures attenantes à ce bâtiment.

A l’entrée, sur la rue Ramousse, on trouve la gare VCS de Chazelles, construite juste avant la propriété et l’usine RIVOIRE. Elle comporte au rez-de-chaussée une salle d’attente pour les passagers avec des toilettes et des zones de stockage pour les différents colis, notamment postaux. Le premier étage est occupé par les appartements du directeur de la ligne.

A La Gimond, en limite de la commune de Pomeys, lieu de passage de la Loire dans le Rhône, dont la rivière du même nom sert de délimitation, on trouve l’usine d’électricité construite de toutes pièces pour l’alimentation électrique de la ligne, avec un bassin hydraulique de plus de 300 m2 de surface, alimenté par une dérivation du courant d’eau tout proche. Cette pièce d’eau sert à approvisionner deux chaudières multitubulaires de type « Michelon et Parent » construites à Lyon-Gerland, qui alimentent  2 machines à vapeur horizontales de chez « Satre et Lyonnet », société établie dans le même quartier de cette ville, ayant une force de 120 HP (Horse Power). Elles entraînent chacune une génératrice de 90 kilowatts produisant un courant continu de traction sous une tension de 550 volts. La puissance produite est de l’ordre de 150 chevaux par ensemble, ce qui permet d’alimenter quatre trains circulant en même temps sur la ligne. Il y a, jouxtant ce bâtiment, un grand hangar servant d’atelier comme signalé plus haut. Plus tard, avec l’amélioration des moyens de freinage par jet de sable sur les lignes, afin d’éviter les glissades sur les rails, notamment en hiver, il y aura un four pour chauffer ce matériau avant utilisation.

Au lieu-dit Hurongues, sur la commune de Saint-Symphorien, on l’a vu aussi, il y a un garage.

Enfin, à Saint-Symphorien, on trouve une troisième gare à l’entrée de la ville. C’est une petite maison comportant un étage. Le rez-de-chaussée muni de toilettes sert de salle d’attente et de zone de stockage pour les petits colis, notamment postaux. Un dépôt pour les motrices et un bâtiment annexe servant de magasin et d’entrepôt est accolé à la maison.

La compagnie a possédé au total et dans sa période la plus faste précédant la grande guerre de 1914-18 quatre motrices électriques pour voyageurs à deux essieux sur truck, huit remorques pour passagers et petits colis, deux tracteurs électriques pour dix wagons couverts, six plats dont deux pour le service de la voie, et six tombereaux à benne basculante pour le transport du charbon. Les motrices sont de couleur rouge-brun avec des inscriptions de couleur jaune-or.

LE TRAJET.

A son arrivée à Chazelles depuis la gare de Viricelles, il longe sur sa gauche la propriété PROVOT (devenue MORRETON), puis la ville des Roses et le quartier Bras de Fer, laissant sur sa droite le quartier des usines. Plus haut, il emprunte la rue de la Gare, bordée de maisons, petits commerces et cafés, avec sur sa gauche, avant le carrefour de Saint-Roch, l’hôtel du Centre (disparu aujourd’hui et remplacé par un parking). Il traverse la rue de Lyon à Saint-Roch, ancienne porte d’entrée de la ville, dont l’aspect a été modifié 30 ans plus tôt par un « habillage » de maisons autour d’une des anciennes tours d’enceinte située sur la droite de la rue Lafont. Les maisons situées sur la gauche sont reconstruites très vite après l’arrivée du tramway.

Après avoir monté cette rue, il longe la place Poterne (il passera peu avant la guerre de 1914 devant le local de l’Energie Industrielle, qui y a alors installé ses bureaux), qu’il contourne pour rentrer dans la rue Ramousse (Jean Jaurès aujourd’hui). La gare VCS est au début de cette rue sur sa gauche. Il poursuit son trajet vers la sortie de la ville en longeant sur sa gauche la propriété Fléchet, en construction  à cette époque, arrive au quartier de l’abattoir.

Il laisse sur sa gauche un chemin en pente raide qui tombe sur La Gimond et emprunte la départementale 2, qui l’emmène à Saint-Symphorien par la Gimond, Hurongues, la Maladière, le quartier des salaisons autour de la rivière Orzon, qu’il traverse dans la rue de la Doue sur un pont.

Il se retrouve sous l’abbatiale, construite au sommet d’un rocher, qu’il contourne avant d’entrer sur le boulevard du Docteur Margot, où se trouve bientôt la gare VCS sur la droite, juste avant l’hôtel du Sud.

La ligne poursuit son chemin, remonte vers la place des Terreaux, donnant un embranchement sur la rue de Givors où siège l’usine PINAY de chapeaux de pailles tressées et trouve son terminus vers la fontaine Gouvard, d’où part la route de Meys.

L’ACCIDENT

Le trajet dure moins d’une heure, l’horaire annonçant généralement une cinquantaine de minutes. La vitesse de circulation sur la voie ferrée est limitée à 20 kilomètres/heure, ce que n’atteignent pas les trains formés au maximum d’une motrice et 2 voitures ou remorques, quel que soit leur type, en raison de la forte déclivité dans la montée depuis Viricelles ou la Gimond vers Chazelles. On préfère parfois monter à pied depuis la gare lorsqu’ on n’a pas de bagages.

A l’inverse, la descente est dangereuse, surtout vers la Gimond, et demande une grande prudence, la vitesse atteinte dépassant souvent les capacités de freinage et occasionnant de nombreux accidents plus ou moins graves, parfois mortels.

Le plus spectaculaire intervient d’ailleurs le 2 juin 1901, avec un train rempli par près de 150 Chazellois qui se rendent à Saint-Symphorien-sur-Coise pour l’inauguration de plaques commémoratives à la mémoire des soldats morts au cours de la guerre de 1870, qui viennent d’être posées dans cette ville proche. Dans le virage de la Carrière, au Chazot, la motrice et 2 voitures-passagers de type Buffalo déraillent, puis se renversent dans un pré en contrebas, sectionnant les poteaux électriques de la ligne et faisant soixante-deux blessés, parfois sérieusement atteints, justifiant pour l’un une amputation de jambe. Le wattman en freinant avait bloqué les roues de la motrice, qui avait pris de la vitesse, et le receveur dans la voiture où étaient entassés les passagers n’avait pas eu le temps d’actionner le frein de secours

Photo du lendemain de l’accident de juin 1901. On vient poser, assis sur les restes du tramway, pour passer à la postérité. (collection particulière. RP)

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 ….Même les enfants sont de sortie  pour voir ces engins avec les quatre fers en l’air ! (collection particulière. RP)


accident tram

LA FÊTE.

On retrouve sur la place Poterne à Chazelles, deux semaines après l’accident du tramway, qui a eu un gros retentissement dans la région, nos trois amis. Ils sont assis à la terrasse du café CHEVRON.

Le centre de la ville est noir de monde. On y fête depuis hier, le 23 juin 1901, la Muse du Peuple, comme cela se  fait à Saint-Etienne ou d’autres grandes villes minières depuis sa création par Gustave CHARPENTIER en 1899. Ici, on a élu la Muse des Chapeliers à l’image de celle des mineurs créée à Lens ou Saint-Etienne.

C’est une récompense délivrée à l’ouvrière la plus méritante. Cela fait suite à la Muse de Montmartre, créée quelques années plus tôt, et qui symbolise la résignation au devoir, le travail joyeux comme une chanson et le travail sans fard. Ainsi, Jeanne VIARD a été désignée dans les jours précédents comme la chapelière la plus digne de remplir ce rôle. Aujourd’hui, dimanche 24, elle va être couronnée. C’est la reine de la fête, assise sur son char avec ses dauphines : elle parcourt les rues.

Le char transportant Jeanne Viard, la Muse élue du jour.

(collection particulière. DR)

La musique est honorée et de nombreuses cliques et Harmonies ont été invitées. Chazelles est envahi par 54 sociétés différentes, avec la présence de la gendarmerie à cheval et de nombreux corps de pompiers.

La place Poterne à Chazelles-sur-Lyon le 24 juin 1901 pour la fête de la Muse (collection particulière : RP)

festival Chaz muse peuple

Les drapeaux tricolores de la République flottent dans toutes les rues. Ils parlent de ces dernières années, qui ont vu arriver le tramway. Etienne BERNE a été embauché, comme il l’avait souhaité, par la compagnie VCS et travaille avec 27 autres employés : il entretient la voie et les bâtiments, tout content de continuer à vivre à l’air. Il a pu garder ses bœufs, qu’il a prêtés à un de ses amis fermiers, il l’aide d’ailleurs pour les gros labours. Sa vie a totalement changé, il reçoit un fixe mensuel et découvre le plaisir des jours et heures de repos. Son cousin, accompagné de sa fille, a été blessé dans l’accident récent et a perdu un œil. Antoine BROSSE n’a vu aucun changement dans son activité ; il transporte toutefois plus de voyageurs et moins de charbon, mais c’est son choix. Le PLM a conclu avec lui un contrat lui assurant une partie de la messagerie : cela lui apporte une certaine stabilité dans les rentrées d’argent. François SÉON sent de plus en plus que le camion auquel il rêve arriver est à sa portée : sa petite entreprise marche bien. Il a vu à Lyon la semaine dernière un camion à plateau Daimler possédant un moteur à deux cylindres de 12 chevaux-vapeur qui peut transporter 800 kg. Dans un ou deux ans, avec la hausse de son chiffre d’affaires, si la progression se maintient, il pourra envisager cet achat. En attendant, son attelage est toujours aussi fringant et rivalise largement de vitesse avec le tramway sur la route. Les chevaux se sont même habitués à sa corne, à son bruit de roulement et de tressautement au passage des jonctions entre les longueurs de rail. Ils n’en ont plus peur et tournent fièrement la tête  vers le wattman quand ils arrivent à sa hauteur au cours d’une manœuvre de dépassement en faisant claquer leurs sabots armés étouffant le ronflement de moteurs du tracteur dans la remontée vers Hurongues. Les discussions vont bon train pendant que la fête bat son plein. On n’a jamais vu autant de monde à Chazelles.

Le tramway du VCS sur la Ramousse à Chazelles-sur-Lyon le 24 juin 1901

festival Chaz 24-06-1901

(collection particulière.RP)

Le tramway enrubanné et orné de cocardes tricolores remonte lentement la rue Ramousse, entouré d’une foule de ligériens et rhodaniens, tous endimanchés. Une motrice a été rapatriée de toute urgence depuis

Clermont-Ferrand pour remplacer celle qui a été mise hors service par l’accident récent. La compagnie PLM a déversé des milliers de visiteurs pour cette journée mémorable grâce à des trains spéciaux, et tout le monde chante la chanson de muse écrite pour l’occasion autour du char qui expose l’heureuse élue du jour.

Les années passent, et le tramway atteint sa vitesse de croisière pour ce qui concerne son utilisation et sa rentabilité. Le matériel employé lui a permis de transporter régulièrement entre 1904 et 1910 100.000 passagers par an et plus de 16.000 tonnes de produits divers, ce qui est tout à fait remarquable et fait de cette ligne très rentable une source de revenus conséquente pour les concessionnaires. Il est devenu un outil incontournable de l’industrie du chapeau, apportant le combustible, les balles de poils, peaux et cuirs et au besoin l’eau comme pendant la période de disette de 1907, alors que la construction du barrage de la Gimond n’est pas encore commencée et que l’eau qui manque doit être remontée de la Loire lointaine depuis Montrond-les-Bains.

L’ÉLECTRICITÉ.

La Gimon

Très rapidement, les concessionnaires de la ligne VCS vendent de l’électricité aux usines et habitants de Chazelles depuis la production de l’usine électrique de La Gimond. En 1906, date de la création de l’Energie Industrielle[2] par Pierre-Marie DURAND, la haute tension arrive à l’usine à partir d’autres unités de production lui appartenant. Il semble en effet que, dès 1908, on « accompagne » le travail des machines à vapeur jugées peu fiables par un apport d’électricité et la mise en place d’accumulateurs. Elles posent des problèmes lors de la maintenance ou en cas de panne, car elles imposent alors l’arrêt brutal de l’exploitation.

Energie industrielle  apporte d’ailleurs petit à petit au centre-ville et dans les usines sa lumière presque naturelle, propre, moins polluante, sans odeur et moins dangereuse. Elle remplace dans les usines l’éclairage fourni par les Becs de Gaz de Lyon. La société implante un magasin de lampes et accessoires électriques, avec un bureau commercial sur la place Poterne. Le Chazellois délaisse aussi l’éclairage au gaz et s’abonne à « l’Énergie ».

Lorsqu’en pleine guerre mondiale, en 1917, la modification du matériel dans l’usine de la Gimond est découverte au cours d’une inspection, un rapport très sévère est établi et envoyé aux préfets des départements  Le propriétaire est sommé de rétablir les installations primitives, mais rien n’est fait jusqu’en 1920, où il reçoit finalement un simple blâme des autorités. L’affaire est éteinte avec la signature d’une nouvelle convention pour la distribution de l’électricité. Cette histoire aura eu d’ailleurs en 1919 un retentissement important à l’occasion d’une panne d’approvisionnement de l’électricité venant de l’extérieur. Toute l’activité de Chazelles a été interrompue pendant plus de trois semaines, avec des conséquences dramatiques sur le plan financier pour les entreprises et laissant de toute façon des traces néfastes pour les années suivantes, quand il faudra redresser la barre devant les difficultés d’exploitation du tramway.

C’est la grande guerre, et les villages sont pratiquement vides. Les maisons restent ouvertes, mais on ne voit qu’enfants, femmes et vieillards, qui attendent derrière les carreaux la venue du vieux postier avec sa grande sacoche en cuir remplie des courriers et mandats récupérés le matin à la gare VCS. Il distribue notamment les lettre-cartes affranchies par la poste aux armées. Elles distillent les nouvelles de soldats arcboutés aux frontières nord-est du pays. Ce sont aussi les mauvaises annonces des décès au front. Le tramway ne fonctionne pendant cette période qu’avec un aller et retour par jour en rapport avec la forte diminution des activités de la ligne Lyon – Montbrison, qui se limite à 2 trains quotidiens. Il y a des difficultés à trouver du charbon pour une industrie non prioritaire. Malgré tout, la compagnie reste bénéficiaire, puisqu’il y a moins de personnel avec un matériel peu sollicité.

A la sortie du conflit, la situation devient moins  brillante, et le tramway a du mal à redémarrer, à satisfaire les exigences financières des actionnaires. Les fortes augmentations de salaires, allant de pair avec celles non moins visibles des titres de transport ou de la fourniture en énergie, rendent les comptes négatifs, et la compagnie commence à réclamer des subventions aux départements concernés pour continuer à assurer un service qu’elle considère désormais comme public, justifiant les demandes d’aide. C’est maintenant qu’il faut renouveler et réparer de plus en plus souvent le matériel roulant, qui a vieilli. La panne d’électricité de 1919, qui a paralysé Chazelles près d’un mois, parce que le tramway a été contraint à l’arrêt, a appris aux entrepreneurs, pris à la gorge en raison d’un défaut d’approvisionnement de matières premières, à se retourner vers des petites compagnies de transport qui se sont très vite équipées de camions et qui ont prouvé leur réactivité.

Les véhicules à essence ont en plus montré leurs qualités de résistance, de souplesse et d’efficacité pendant toute la guerre et sont devenus usuels sur les routes départementales. Les produits pétroliers sont de plus en plus courants. Les moteurs atmosphériques à essence ont multiplié leur puissance. On voit  ressurgir les autobus, qui étaient apparus avant la guerre sur certaines lignes urbaines, ceux qui avaient été réquisitionnés pour servir au transport des troupes en guerre. Les véhicules de 1920 ont beaucoup appris de la guerre et se déclinent sous de nombreuses formes utiles au quotidien : ils servent à tous, s’adaptent à tout, passent partout, s’équipent de chaînes ou de chenilles, et sont de moins et moins onéreux à l’usage. La reprise d’activité des mines qui jalonnent la vallée de la Brévenne, avec notamment le charbon de Sainte-Foy-l’Argentière et la pyrite de Sain Bel, Sourcieux et Saint-Pierre-la-Palud, n’est pas au rendez-vous. Les granulats et cailloutis qui ont été si utiles pour la réalisation des voies ferrées ne sont plus un marché en expansion, et la ligne de chemin de fer de Lyon-Montbrison n’est plus aussi utile qu’avant la guerre. Le PLM réduit la fréquence de ses trains, pendant qu’à Chazelles, la production qui, elle, a redémarré, demande un approvisionnement à la fois régulier et permanent, mais aussi souple et croissant. Le VCS n’est plus adapté et ne peut pas monter plus que ce que  lui offre le train à la gare de Viricelles.

LE CAMION.

On est le 15 août 1923, c’est la fête patronale de la ville, avec sa « vogue ». La municipalité d’Etienne PERONNET a offert à la population un magnifique kiosque à musique, et la foule en liesse enchaîne les farandoles, tandis que l’Harmonie éblouit les spectateurs avec ses roulements de tambours, ses sons de clairons, de trompettes ou de cors. Ils sont assis sur des bancs autour de grandes tables installées sur la place Poterne

Kiosque à musique de la place Poterne à Chazelles-sur-Lyon.

kiosque

(collection particulière RP)

Un manège tourne lentement de l’autre côté de la place avec ses chevaux de bois qui, nouveauté cette année, alternent avec des vélos sur lesquels on pédale avec l’impression d’avancer très vite. Nos trois amis sont assis, digèrent et discutent. Ils ont mangé chez Victor BERNE, à l’hôtel du Centre, un établissement qu’il a repris deux ans après la fin de la guerre. Cet homme est de ceux qui, appelés en 1913, ont passé près de 6 ans sous les drapeaux avec la guerre et ont eu malgré tout la chance de revenir au pays. L’activité commerciale des entreprises du chapeau aide à remplir les chambres et repas qu’il propose. Sa tante, Louise CABUT, fait la cuisine et prépare dimanches et jours de fête un coq au vin de Brouilly dont elle a le secret et qui fait la réputation du restaurant.

Nos compères ont pris de l’âge. Eux n’ont pas fait la guerre comme combattants, car atteints par la limite d’âge à l’entrée du conflit. Etienne BERNE est monté en grade et est désormais conducteur, ne désespérant pas de devenir chef de gare à Viricelles l’an prochain, où il ne lui restera plus que 3 ans à travailler selon sa société de secours mutuel qui s’occupe de sa carrière. Il se plaint surtout de la vétusté des moteurs électriques des motrices, qui ont de plus en plus de mal à fournir la puissance nécessaire pour la traction des remorques, et de l’état de la voie ferrée, qui laisse de plus en plus à désirer, occasionnant des déraillements fréquents, même à petite vitesse, notamment au niveau des aiguillages. Les conditions de travail ne sont plus aussi agréables qu’il y a 20 ans, et une grève en mars de cette année n’a pas apporté de modifications conséquentes en dehors d’une petite augmentation de salaire. Mais il paraît que les patrons DURAND n’ont plus de « sous » et qu’ils se désengagent de l’activité de transport pour s’orienter vers la production et la distribution électrique, plus rentable. D’ailleurs, les actions de l’Energie Industrielle fournissent des taux de rendement proches de 10%, alors que celles du VCS ne valent presque plus rien. On dit pourtant à la compagnie que les motrices vont être « recarossées » pour plus de confort : les usagers se plaignent de leur vétusté et les délaissent.

Antoine BROSSE a laissé tomber sa petite entreprise de transport, qu’il ne pouvait plus assurer seul, la guerre lui ayant enlevé son garçon d’écurie et son commis. Il a créé un petit commerce de cafetier, limonadier, vente de vin, de carburant et de charbon à Grézieu-le-Marché sur la route de Lyon. C’est désormais son ami François SÉON qui l’approvisionne en matières premières. Celui-ci a acquis deux magnifiques camions Berliet CBA avec des moteurs de 4 cylindres de 25 chevaux-vapeur, qui montent allègrement la route du col des Brosses au retour de Lyon par Yzeron à 20 kilomètres à l’heure, avec des chargements de 10 tonnes. L’un est équipé pour approvisionner Chazelles et Saint-Symphorien en combustibles et carburants. Il livre désormais de l’essence, qu’il va chercher à Vaise chez le raffineur DESMARMAIS, après être passé au  port Rambaud pour charger du charbon. L’autre est bâché et permet le transport des chapeaux, qu’il ramasse dans les usines de ces deux villes pour les mettre en gare de Perrache à Lyon, il remonte des rames de carton et papier soie destinées à l’emballage des feutres après montage des étuis.

L’affaire marche très bien, et il assure tous les jours le trajet. Il descend le matin par la route de Saint-Martin-en-Haut, il croise régulièrement vers 9 heures du matin le train de Rhône et Loire au niveau du viaduc de Croix-Forest : il monte de Messimy à Saint-Symphorien par Rontalon, tiré par une locomotive à vapeur Pinguely à trois essieux moteurs. La ligne à voie métrique a été ouverte en 1914 et s’arrête  à Saint-Symphorien dans une gare séparée d’environ 1 kilomètre de celle du VCS. Cet éloignement entre les deux établissements a rendu grand service à François. Le transbordement entre le train métrique et le tramway n’étant pas assuré, son offre de service de porte à porte a été préférée par beaucoup d’industriels et commerçants, qui se l’arrachent. Leur conversation confirme bien que les automobiles, camions et autocars commencent à occuper les routes et apparaître dans les villes. Le processus de transformation des moyens de transport parait inéluctable, et l’on s’oriente vers les moteurs à essence, conduisant à des véhicules sans contrainte capable de passer par n’importe quel chemin. D’ailleurs, on sait qu’à Paris, les tramways commencent à être remplacés par des autobus.

Il est vrai que, 24 ans après sa réalisation, le VCS n’a plus l’attrait des premières années, le ticket devient de plus en plus onéreux, sans aucune amélioration du service rendu. Le prix a été multiplié par 2 et demi pour le passager depuis la fin de la guerre et le trajet actuel est de 80 centimes, soit l’équivalent de 500 grammes de pain.

 

Il reste que, si la guerre commence à être oubliée, si la vie normale a repris dans les villes et villages, de partout on sent poindre une certaine inquiétude dans la population, qui n’a plus confiance dans sa monnaie, a stocké les pièces d’or et d’argent, contraignant l’Etat à émettre des pièces en aluminium sans valeur faciale, mais avec l’inscription « bon pour x francs ».

LA FIN.

Et de fait, la crise financière de 1929 arrive en France, mettant à plat les activités commerciales et industrielles, avec une profonde crise morale. Les Monts du Lyonnais n’échappent pas au phénomène  et les entreprises subissent de plein fouet ce contrecoup d’une spéculation financière déraisonnable en raison de la très forte croissance ayant suivi la guerre et correspondant à la nécessité de reconstruction d’un pays à genoux. Le PLM n’offre plus de marchandises à livrer. Chazelles s’est tourné vers Montrond-les-Bains  où passe la ligne de Saint-Etienne à Paris  tandis que Saint-Symphorien s’est orienté vers Lyon.

Le VCS n’a plus aucunes liquidités et réclame de l’argent aux départements aux municipalités concernées pour payer les salaires  sans trouver d’écho très favorable. Même les augmentations successives des prix ne résolvent pas une détresse financière que ne veut pas prendre en charge la maison-mère, Energie Industrielle, qui rompt les liens et rend la Compagnie aux départements, moyennant une indemnité de 330.000 francs.

Elle reste propriétaire des bâtiments de la Gimond, qui continuent à fournir l’électricité, devenus transformateurs, de la voie ferrée et de la ligne aérienne qu’elle revendra plus tard au poids. La gare de Chazelles-Ville devient un bureau du PLM, avec ses cars, et la ville de Saint-Symphorien récupère sa gare. Le personnel est reclassé à la compagnie des transports de l’Ouest Lyonnais ou au PLM.

Dans la même année, 1933, celle de Rhône-et-Loire, qui exploite Messimy – Saint Symphorien a été aussi contrainte de fermer la ligne pour raisons financières. Les cars de remplacement, qui ont pris la relève des trains sur ce parcours, sont prolongés temporairement jusqu’à Viricelles – Chazelles.

Le tramway a vécu 33 ans, il a rendu de grands services, répondant parfaitement pendant un temps aux besoins des entreprises locales.

A son dernier voyage, il n’est pas regretté, car des autocars plus confortables ont déjà remplacé ce mode de transport devenu désuet sans

Les cars ont remplacé le tramway à l’ancienne gare du VCS de Chazelles-Ville devenue gare du PLM (collection particulière)

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soutien commercial de concessionnaires, qui s’étaient servis de lui comme tremplin pour sauter vers l’or qu’ils pressentaient à juste titre tirer de la houille blanche, dont ils allaient devenir les promoteurs.

Au 1er janvier 1934, Etienne BERNE est à la retraite depuis huit ans. Il a été remplacé par Pétrus BADOR comme conducteur. Il n’a pas été chef de gare et a terminé à l’entretien des machines à la Gimond.

Antoine BROSSE continue à vendre de l’essence, ce qui lui rapporte quelques revenus, car il n’a pas de retraite. Il a acheté une petite pompe à main mobile de type SATAM, très pratique pour servir au bord de la route de Lyon, mais il a arrêté la distribution de charbon, trop pénible pour son âge.

François SÉON a pris de l’ampleur, s’est acheté de beaux bureaux et a ouvert avec son fils une société proposant des voyages en relation avec le PLM. Il a revendu ses camions et a acquis 3 superbes autocars de chez Luc Court, le constructeur lyonnais.

Ils sont assis ensemble près du poêle à charbon dans la petite salle du café « Aux six fesses », situé en face du dépôt des tramways de la Gimond, que connaît bien Etienne, et que l’on discerne en partie à travers les fenêtres recouvertes de buée. Ils se souhaitent une bonne année, puis disent ensemble, en levant leur verre en hommage à cet engin qui ne leur a jamais fait peur et qui a écrit une page de l’histoire des Monts du Lyonnais :

« Adjeu don é mercé don, le tram, sûr qu’y reviendra pa l’an que vient, ou n’é pas pa rire.»

Note. Nos trois personnages du récit sont fictifs, mais évoluent dans le monde réel du moment.

On peut retrouver toutes les illustrations du tramway VCS dans le diaporama siuvant qui est un peu long mais qui comporte un maximum de CP provenant des nombreux cartophilistes de Chazelles-sur-Lyon qui nous ont autorisé à les reproduire.

[1] VCS est le sigle de la Compagnie de tramway Viricelles – Chazelles-sur-Lyon – Saint-Symphorien-sur-Coise

[2] C’est une société destinée à la production et à la distribution de l’électricité issue de la réunion de la société des tramways de Clermont-Ferrand, de ceux de La Bourboule avec un barrage hydro-électrique sur la Dordogne ayant appartenu à Jean CLARET, de VCS et d’une ligne ferrée de Bourg d’Oisans avec une centrale électrique.

QUELQUES IMAGES NON EXHAUSITIVES DU VCS

 

N’OUBLIEZ PAS LE SITE DE CHAZELLES PAR L’IMAGE

qui contient aussi de nombreuses CP sur le VCS

 

 

Cet article sans les images associées fait partie d’un livret édité par l’Araire que vous pouvez vous procurer au siège social à Messimy ou dans les Offices de Tourisme de la région: Chazelles, Saint Martin en Haut…

Chemin de fer entre Rhône et Loire. Histoire de lignes et d’hommes. n° 177

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