Découverte du Saucisson.
Quoi de plus normal que de commencer les histoires de saucissons par un jeu consistant à savoir articuler pour bien se faire comprendre, en somme bien mâcher ses mots! Il en est de même pour le saucisson qui pour être bien apprécié doit être bien mâché même s’il provient d’une viande de porc généralement déjà bien hachée.
A l’occasion d’une intronisation de Chevaliers dans la jeune Confrérie de la Noble Rosette, du fin Saucisson et du Bon Jésus, créée à Saint Symphorien-sur-Coise, ancienne ville des Monts du Lyonnais, capitale mondiale du saucisson de viande porc, ancien haut-lieu de tanneries qui lui valut le nom de Chausse-Armées sous la Révolution, résidence ancienne des Chanoines de Lyon. On y équipait de chaussures les soldats de la Révolution chargés de protéger les frontières de la Nation menacée et c’est ici que, si le sucisson est né, c’est aussi ici que l’on commençà à fabriquer les chausures pour pied droit ou gauche!
Louis Véricel, ancien maire et conseiller général du canton, un des membres le plus haut gradé de la Confrérie m’a autorisé à utiliser un petit écrit personnel sur l’histoire du saucisson que je vous livre. Elle est agrémentée de quelques notes personnelles car, il fut un temps, tout n’était pas bon dans le cochon!
“La salaison à Saint-Symphorien-sur-Coise est une activité très ancienne. On sait déjà qu’au X° et XI° siècle, il y avait des tanneurs qui se servaient des peaux de cochon que des charcutiers sur place utilisaient pour travailler la viande.
La Charte des droits et libertésconcédée à Saint Symphorien en 1408 indique que les bouchers et les charcutiers doivent donner au seigneur du lieu la langue des tous les animaux abattus. Il y avait à cette époque 5 à 6 bouchers et 4 charcutiers.
Or le saucisson est une production relativement récente. Dans l’important ouvrage de Jean Bruyérin-Champier, un pelaud, médecin de François Ier, paru en 1560: ” L’alimentation de tous
les peuples et de tous les temps jusqu’au XVIe siècle”, il n’y a aucune mention du saucisson mais seulement de saucisses faites de viandes cuites ou conservées au sel et à nouveau cuites avant de les manger.
Il se dit que Michel Martel, lieutenant de régiment de dragons, marié en 1685 avec Antoinette Besson de Pomeys aurait repris un commerce de salaisons Place de la Bouterie¹ à Saint-Symphorien. Ouvrant un jour un placard dans le commerce, il y trouve des saucisses oubliées et totalement sêches. Il fait part de sa découverte à son épouse, laquelle va les gouter. Elle trouve celles-ci réellement bonnes. De ce jour là, on peut dire que Michel Martel avait inventé ou “découvert” le saucisson tel qu’on le connait aujourd’hui.
Les autres charcutiers de la ville vont imiter, en “oubliant leurs saucisses” la lente transformation que produit le temps sur les lipides, proteines et sucres convenues dans les viandes hachées de leurs saucisses. C’est ainsi que l’on trouve vers 1900 une dizaine d’artisans et déjà une importante société: la maison de Pierre LOSTE, ouverte en 1866, qui font du saucisson. A la même époque , ce n’étaient pas moins de 200 ouvriers dont 80 chez Loste qui travaillaient ce produit. En 1928 Loste se vend à Olida créé en 1855 par Ernest Olida (d’abord commerce de charcuterie fine parisienne puis usine en 1896 à Neuilly).
A partir de cette fusion, la production va littéralement exploser et les ateliers vont se multiplier avec la demande croissante de cet aliment.
Il y aura bien de nombreuses batailles médicales sur l’échinococcose, maladie parasitaire du porc et d’autres animaux domestiques transmise par sa viande, et les sommités médicales s’en sont donné à coeur joie jusqu’à la fin du XIX° siècle, préconisant aux salaisonniers toutes les méthodes les plus efficaces pour éradiquer l’affection. On mangeait une viande peu cuite ou peu bouillie, ne tuant pas le parasite et déterminant des affections pulmonaires et hépatiques mortelles. Par chance, le temps et la salaison sont toujous restées les meilleures méthodes pour tuer le ver et ses oeufs. Il y avait aussi la cuisson en eau bouillante pendant 1 a 2 heures selon les morceaux. En somme, c’est bien la découverte de la vieille saucisse de Martel qui a montré le bon chemin de la bonne salaison. “Nuisible désir de toujours vouloir hâter les choses : permettons au temps de prendre son temps.” (Anne Barratin-1913).
L’évolution des charcuteries à Saint Symphorien.
La maison MARTEL devient la maison PUPAT puis DRUGUET et apparait aujourd’hui comme les Salaisons de la Brêche à Chazelles-sur-Lyon depuis 1993 (6 km).
La maison VERNAY devient la maison BRUNET LAVALLEE puis est racheté e par le grand groupe POLETTE et devient MELLI puis GUS, ensuite rachetée par le groupe REYBIER.La maison PATHIEUX reste dans la famille, reprise par le gendre et devient la maison ESPARCIEUX rachetéée ensuite par la maison CHEVALIER et enfin par VAL de LYON.
La maison JALLABERT reste familiale car une fille se marie avec Joannès CHILLET, le père de Pierre et le grand-père de Jean-Pierre.
Les maisons COLLONGEAT, DEMONTROND, CROZIER, CARTERON, BLANCHARD, RIVOIRE ou PUPIER subiront des fortunes diverses. Elles ont aujourd’hui disparu.
Que reste-t-il à St Symphorien?
Beaucoup d’usines ultramodernes qui fabriquent le quart de la production mondiale de saucissons!
-COCHONOU, le successeur de OLIDA, intégré dans un groupe de stature mondiale
-VAL de LYON, qui ferait encore partie du 1° groupe suisse de salaisons
-CHILLET, groupe français
-FRANCE SALAISONS créée en 1968 par Mr Colombo et actuellement dirigée par son fils Ciryl. C’est une usine à fort développement avec mécanisation maximale depuis qu’elle est venue s’istaller à Saint Symphorien.
A elles 4 ces entreprises de salaison fabriquent plus de 700 tonnes de saucisson par semaine, un chiffre énorme dans la production mondiale.
Le saucisson dans les Monts du Lyonnais.
Il serait injuste de s’en tenir là et de de pas nommer des grosses enteprises de salaisons qui travaillent en dehors de Saint -Symphorien.
C’est le cas des Salaisons de la Brêche déjà signalées à Chazelles sur Lyon.
On trouve les magnifiques entreprises TARGE et MONTSERRET à Grezieu-le Marché qui réalisent de la salaison de haut de gamme
Il ne faut pas oublier la maison OGIER à Sainte-Foy-l’Argentière….
….et puis tous ces salaisonniers artisans répartis dans les Monts du Lyonnais qui fabriquent des saucissons “maison” extraordinaires aux goûts si variés , noyamment la maison Carteron à Chevrières-en-Forez.
Gouter le saucisson de ces artisans, c’est comme gouter le miel des apiculteurs. Chacun à un goût particulier. La zone de séchage, la viande et le gras utilisé lui a donne un parfum et une texture tout personnels, sans oublier la maturité, le temps jouant bien sûr son rôle.
¹ Cet endroit était un peu le cloaque de la ville, une zone dépeuplée où l’on dirigeait les eaux pluviales etusées descendant de la cité. On« boutait les eaux hors les murs ». Par la suite elle devint une petite place fermée recevant un gros marché aux porcelets qui n’existe plus aujourd’hui bien sûr. c’est un endroit à vister dans cette ville où l’on trouve deux maisons à encorbellement datant du Moyen-Age.