Le métier de boulanger (on parle de la boulangerie Roche avec le texte et la permission des enfants) a toujours été très pénible, qu’il s’agisse des horaires de travail, de la force manuelle nécessaire ou des conditions de travail en atmosphère confinée, souvent autrefois dans les sous-sol, près de la farine et du four, dans la poussière blanche et la chaleur. D’ailleurs le boulanger avait alors le surnom de “Mineur blanc”, ce qui est honorifique dans notre région proche des Mines de Saint- Etienne.
Le travait commençait à 19 heures avec la préparation de la pâte avec le levain , la farine, l’eau, le sel et la levure. Il n’y avait pas de bon pain sans bon levain.
Une fois celle-ci préparée et mise au repos, vers 21 heures le boulanger prennait une petite collation suivie d’un petit bout de sommeil jusqu’à 2 heures du matin. Il fallait alors retourner au fournil pour pousuivre la préparation de la pâte. Le pétrin mécanique tournait alors, et à son rythme le boulanger au nom choisi plus haut chantait probablement à cette heure-là à son moteur: ” Parlez-moi d’amour, redites-moi des choses tendres, votre beau discours, mon cœur n’est pas las de l’entendre, pourvu que toujours, vous répétiez ces mots suprêmes: je vous aime ….cette chanson de Jean Lenoir et interprétée par Lucienne Boyer en 1930 reprise plus tard notamment par Edith Piaf.
On préparait en même temps le four pour le mettre en chauffe avec des fagots de bois auxquels on mettait le feu. Dès que l’ensemble était à peu près brulé, on le nettoyait entèrement avec un écuvion, une grosse et grande branche solide qui permettait d’accéder tout au fond du four. Au bout de ce grand bois on accrochait un gros chiffon humide pour retirer tout le charbon de bois. Le four devait alors être parfaitement propre. Tout le charbon de bois restant était mis en seau puis revendu pour une autre utilisation.
Au dessus du foyer on installait le gueulard pour diriger la flamme et ainsi répartir de façon homogène la chaleur dans le four. il était ensuite généralement enlevé dès que la chaleur était globalement homogène.
La première fermentation de la pâte étant obtenue, on divisait celle-ci en parts précises avec un coupe-pâte, engin métallique coupant. Chaque pâton était évalué pour lui donner un certain poids. En effet, le pain français se presentait et se présente toujours sous diverses formes qui vont de la boule, la baguette, la ficelle, la couronne, la flute, le batard, le gros pain….juqu’au pain de ménage, sans oublier la miche de la boulangère. Le tout se vendait au poids en tenant compte aussi de celui perdu au moment du ressuage.
Le pesage manuel exigeait rapidité et précision. Le boulanger ne devait pas faire d’erreur car un contrôle préfectotal régulier était éffectué.
On façonnait, ou mettait en place à la main la pâte afin de lui donner la forme désirée comme signalé plus faut. Ensuite, les différentes formes étaient placées en couches multiples, chaque pain étant séparé. On utilisait des toilles de jute mais souvent aussi des paillis selon la forme.
Le pain se reposait à nouveau en attendant que le four soit à bonne chaleur sous l’effet du foyer sous-jacent et puis on enfournait.
Cela consistait à prendre une petite planchette pour prélever délicatement les formes variées, les poser sur la pelle (qui faisait 2 mètres de long) et pratiquer des incisions au couteau, au ciseau ou au rasoir à la partie supérieure des formes. Cela se faisait sur le banc à l’entrée du four. Puis on baissait avec la pelle la porte à clapet du four et on posait, avec ce fameux coup de main du boulanger, le pain en pâte sans l’abimer sur la surface du four pour sa mise en cuisson.
Il ne fallait pas oublier l’embuage qui consistait à maintenir une buée permanente, seule méthode à même de rendre le pain croustillant avec une croute bien dorée.
De temps en temps, le boulanger donnait un petit coup d’oeil pour surveiller la cuisson afin de sortir le pain cuit au bon moment. C’est à ce moment là, qu’encore très chaud, il fallait brosser le pain cuit pour enlever au besoin les quelques impuretés de bois brulé qui avaient pu rester des fagots malgré le passage méticuleux de l’écuvion. Il se faisait 3 à 4 fournées par nuit, parfois plus. Mais il fallait aussi rajouter les fameux “pâtés” aux poires, aux pommes, à la crème, les croissants et les brioches notamment.
Le pain était alors prêt à la vente mais la journée continuait.
Une autre étape commençait. Il fallait d’abord installer le pain dans les rayons selon les différents modèles. Le magasin ouvrait à 5h.30, au petit matin, et les premiers clients, le plus souvent les chauffeurs de chaudière des chapelleries, étaient déjà là.
Croire que tout était alors fini serait une plaisanterie, car il fallait aussitôt partir livrer aussi les hameaux et petits villages qui n’avaient pas leur boulanger. En plus les enfants du boulanger partaient de leur côté faire les livraisons en charette dans la ville: dépots, hotels, restaurants…
Jean Léon Roche arrêtait ainsi son travail à…16 heures après 19 heures de travail quotidien.
On aura, tout au long de l’exposé, évité de parler de manutention du combustible, et il y en avait! Bois en fagot et charbon à la brouette, farine par sacs de 100kg…On arrête là, car finalement on finirait par ne plus croire à ces vies d’hier faites de sueur, de larmes et de courage pour nourrir une famille, élever des enfants et satisfaire une population.
C’était bien comme cela chez les mineurs blancs!
de Yves et Yvonne Roche, enfants de Jean-Léon Roche.