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Ma petite histoire de l’Ecole libre des garçons à Chazelles-sur-Lyon.

Ce que nous n’évoquerons pas.

Nous ne parlons pas volontairement de l’école libre des filles tenue par les sœurs Saint-Charles installée à Chazelles en 1808 dans l’ancienne cure située place de l’église (à côté de l’ancien trappon). Le curé Galland avait alors pris possession de la Maison Neuve (actuelle Mairie) louée pour lui par la Mairie. L’école de filles est ensuite transférée à la Grenette (une partie située entre le donjon du château et l’église  qui existait alors encore) en 1826 puis au “Pensionnat” dans un bâtiment situé dans la Grand’Rue un peu au dessus de l’hôpital actuel (qui deviendra d’ailleurs la cure lorsque la Mairie est venue à son emplacement actuel en 1906). Elle se fixera définitivement boulevard du Nord en 1905 dans un bâtiment neuf, siège d’une école actuelle.

Nous ne parlons pas de l’enseignement à Chazelles avant et après la Révolution, sous l’Empire, qui était très peu structuré avec une instruction qui dépendait du niveau familial, les enfants des campagnes étant très tôt destinés aux travaux de la ferme et ceux de la ville recevant un enseignement élémentaire donné généralement par les prêtres ou leurs élèves auxiliaires dans les locaux paroissiaux comme la cure ou par quelques laïcs souvent attachés à d’autres fonctions officielles comme celles de clerc ou de greffier. Il y avait aussi des maitres ambulants, des précepteurs embauchés par les familles aisées. Cependant dès le début du 19° siècle, une école mixte existe à Chazelles ainsi que l’école des sœurs Saint-Charles qui prennent au départ en charge les filles des familles pauvres comme signalé plus haut.

L’école libre chez les garçons.

Elle commence plus tard avec l’arrivée des Frères Maristes, jeune congrégation, branche de la Société de Marie créée notamment par Jean Claude Colin et Marcellin Champagnat en 1816. C’est nommé vicaire à La Valla en Gier, que le père Marcellin Champagnat, natif de Marlhes dans le massif du Pilat,  commence à ouvrir des classes d’enseignement dans ce village, puis très vite tout autour dès 1817. Ces écoles vont vite être appréciées et réclamées dans la région, La congrégation ouvre ainsi de nombreux établissements. En 1822, c’est le cas à Saint Symphorien-le-Château.

Les Frères Maristes reçoivent leur première reconnaissance pontificale en 1836

A Chazelles les Frères arrivent en  1840 à la demande du curé Galland qui les installe dans une maison avec jardin, rue des Jardins (maison Dumaine-Besson), qu’il a achetée. Très vite devenue trop petite, elle est agrandie avec la création d’un étage en 1858. En 1866 l’école est déménagée et les frères s’installent Rue Tourteron à l’emplacement de l’actuelle  école publique, derrière la propriété non encore construite de Jules Ferrier.

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École de la Rue Tourteron à la période de transition entre la “privée”et la “laïque”.

Tout se déroule calmement jusqu’en 1875 où commence une période troublée pour les congrégations religieuses en général, lors de la création de la 3° République qui instaure sur l’ensemble du territoire les lois républicaines.  On sort d’une grande défaite militaire attribuée, entre autres choses, par les autorités du moment à l’inculture des soldats liée au peu d’enseignement qu’ils avaient acquis du clergé! Ainsi l’Etat décide de prendre en charge cette instruction. Il ouvre en 1879 des écoles normales d’instituteurs destinés à remplacer le clergé en place. Les représentants de l’Église, sont exclus du Conseil supérieur de l’instruction publique en 1880.

Les modifications profondes de l’enseignement en France se poursuivent avec les lois de Jules Ferry qui affirment la gratuité de l’école publique primaire en 1881, imposent la langue française à tout le pays et exigent que tous les instituteurs des écoles élémentaires obtiennent un brevet de capacité pour pouvoir enseigner. Enfin, obligation est faite en 1882 aux parents d’inscrire leurs enfants des deux sexes à l’école de 6 à 13 ans.

A Chazelles, on construit en 1880 l’asile pour petits enfants qui ne peuvent pas rester à la maison quand la maman travaille et qui correspondant à une « maternelle ». Il est construit en face du clos du presbytère sur le boulevard du Sud et devant l’école des frères de la rue Tourteron.

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L’ Asile pour les jeunes enfants non encore scolarisés.

Ces lois scolaires de Jules Ferry apportent peu de changements sur le moment. Les  religieux, s’ils ont le brevet de capacité, restent en fonction dans les écoles élémentaires. Mais ils sont dans la réalité très vite écartés et en 1886 la laïcisation du personnel des écoles publiques est rendue obligatoire.

A Chazelles, le bâtiment de la rue Tourteron est récupéré par la Municipalité en 1884 pour y installer l’école publique des garçons tenue par des instituteurs nommés par l’État. Une petite école se trouvait auparavant vers la rue Martouret depuis 1819. Un projet d’école publique des filles est mis en route: le bâtiment devrait prendre place dans le jardin du presbytère, les autorisations trainent et l’ouverture n’aura lieu qu’en 1903 à l’angle du Boulevard du Sud et de l’Avenue des Tilleuls nouvellement percée.  Le clos de la cure va ensuite être transformé en jardin public por les ouvriers.

L’école libre des garçons va pourtant continuer son activité en se déplaçant donc en 1884 en haut de la Rue de Lyon et sur l’avenue  du Cimetière dans la maison d’angle et les bâtiments attenants. A partir de 1905, en vertu des lois sur la séparation de l’Église et de l’État de plus en plus restrictives pour les congrégations religieuses, les frères exerceront leur enseignement en costume civil  comme le montre cette photo de l’époque avec le frère Millet sur le parvis de l’école dans les années 1905/1906.

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L’École des Frères à l’angle de la rue de Lyon et de l’Avenue du Cimetière en 1905-1906

C’est aussi le début des mémorables affrontements entre enfants de la « Libre » et ceux de la « Laïque » qui se tiendront pendant près de trois décennies au carrefour Saint-Roch, tournant parfois en violentes batailles sous les yeux des adultes chazellois dont c’était un lieu de rendez-vous incontournable.

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Une vue du carrefour Saint Roch au début du 20° siècle.

En 1921, arrive à Chazelles, depuis Savigneux, le curé Planchet, un bâtisseur, pour remplacer à la demande de l’évêché le curé Gauthier, peu apprécié par la population pratiquante de Chazelles. C’est une période politique où l’Etat a repris des contacts presque normaux avec les autorités religieuses, ce qui rend le climat plus serein et réaliste.

Ce nouveau prêtre avait en tête, à l’inverse du précédent, l’idée qu’il fallait  créer des occupations sportives et culturelles dans un cadre de préférence cultuel pour les jeunes chazellois des deux sexes et intégrant la gymnastique, le football, la lecture, le théâtre engagé. C’était pour lui, d’autre part, une source financière potentielle grâce notamment aux kermesses et représentations théâtrales. Il avait en effet devant lui une paroisse avec des bâtiments religieux en très piteux état dont une cure sur la Grand’Rue plutôt sordide mal entretenue, qui avait été occupée par le Pensionnat des soeurs Saint Charles jusqu’à leur départ vers le Boulevard du Nord, et un grand besoin de subsides. Ses administrés réclamaient aussi à corps et à cris une nouvelle école alors trop exigüe dans cet emplacement en haut de la rue de Lyon vers le cimetière. C’est la raison pour laquelle, dès son arrivée à Chazelles, il décide de faire construire la Maison d’œuvre à la place des bâtiments détruits par le curé Gauthier qui abritaient des activités sportives à Chazelles que ne voulait pas ce prêtre. Il a auparavant créé une société civile qui gère tout l’immobilier catholique de la commune de Chazelles. Le terrain de la route de St-Galmier, sujet de querelles est acheté et l’Association Sportive de Chazelles, créée auparavant en 1908, constitue alors une section dissidente de sport, de football et d’athlétisme annexée à la section gymnastique prenant le nom de Vaillante Etoile Sportive. Elle va jouer sur ce nouveau terrain où naissent une Maison d’œuvre et bientôt une salle de gymnastique La salle de spectacles, appelée Jeanne d’Arc, est par ailleurs très vite appréciée de la population pour ses spectacle et ses acteurs.

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La Maison d’œuvre en 1935

Il réinstaure dans le même temps la procession de la Fête-Dieu autour de ce terrain de sport attenant. Cette manifestation avait été interdite depuis 1906 par le maire Jules Ferrier dans les rues de Chazelles.

Cette politique de collecte financière par la Maison d’Oeuvre, mal comprise au départ par la population, porte finalement ses fruits.

Ayant acheté en viager dès son arrivée le clos Bonnet entre la route de Chevrières et la route de Saint Galmier, limité par le chemin de la Madone et devenu propriétaire vers 1927 au décès de la rentière, il engage alors toute la population d’obédience catholique à venir construire l’école sur ce terrain, ayant pu réunir suffisamment d’argent pour acheter la plupart des matériaux. C’est ainsi que l’on vit pendant deux ans une bonne partie de la population chazelloise venir travailler sur le chantier à ses heures perdues en semaine ou pendant le week-end, aidée par des entrepreneurs locaux, pour offrir dès 1929 un magnifique bâtiment fort bien équipé de nombreuses classes avec chauffage central et mobilier entièrement neuf dans une très belle cour plantée de tilleuls à 150 écoliers.

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L’École des Frères en 1935

La réalisation est un succès formidable puisque sitôt ouverte, il faut déjà envisager son agrandissement!

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Une classe en 1938 avec le Frère Nicolas

Celui-ci sera finalement décidé à la veille de la 2° guerre mondiale et réalisé au cours de cette dernière, quatre nouvelles classes ouvrant en 1941 en même temps d’ailleurs que l’on inaugurait le nouvel et magnifique ensemble écolier laïc sur la Rue Tourteron tel qu’on peut le voir encore aujourd’hui: c’est un très bel exemple d’art déco terminal.

Les bagarres entre la « libre » et la « laïque » s’étaient bien sûr déplacées vers le « fond de ville » avec, là encore, des affrontements mémorables où tous les coups, y compris les « marrons », jamais méchants, étaient permis. Poivre, poil à gratter, arrosage, bombes à eau, coupe de cheveux, etc…, faisaient partie des armes. Cela restait cependant très bon enfant et de « bonne guerre » d’autant que tout se faisait sous les yeux de la toute proche gendarmerie qui était alors au début de la route de Bellegarde. La plupart du temps, d’ailleurs, tout cela se terminait autour du pot de caramels à 1 sou emballés dans le papier sulfurisé qu’offrait « Nini Guillot » à la vente.

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Le “Fond de Ville” avec la Gendarmerie: bâtiment à gauche . On distingue le début de la Grand’Rue à droite

Plus tard , l’école a continué à évoluer.

Celle qui menait l’enfant jusqu’au certificat d’études primaire et qui entrainait ensuite l’élève vers Saint Etienne s’il voulait poursuivre des études, notamment à l’Institut de Valbenoite dans la continuité des Frères Maristes qui assuraient alors l’enseignement jusqu’au baccalauréat, va continuer à grandir et deviendra bientôt le collège Raoul Follereau actuel. L’histoire est alors plus récente et presque d’actualité.

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Plan grossier des emplacements successifs des écoles