DES COCHONS À BON PORT
De ma fenêtre, je vois à 3 km à vol d’oiseau les vastes bâtiments modernes de l’usine Cochonou, que je n’aurais jamais pensé trouver dans cette région. Je ne sais pourquoi, ce sigle m’a toujours évoqué quelque calembour contrepétant, tout du cru comme l’a écrit Victor Hugo. On m’a d’ailleurs raconté une jolie histoire de cochons (je n’ai pas dit cochonne !), liée à l’Histoire de Saint-Symphorien.
C’est en 1866 qu’un autochtone pelaud, Jean-Baptiste Loste, auquel succèdera son fils Pierre, se lança dans la fabrication industrielle du saucisson, spécialité ancestrale des Monts du Lyonnais.
En 1928, l’entreprise florissante fut rachetée par la marque Olida (société créée elle aussi en 1855 par le parisien Ernest Olida) qui en fit le centre de production charcutière le plus important de France, avant qu’il ne passe dans le giron de l’américain Cochonou, puis dans celui du groupe franco-espagnol-chinois Aoste.
Comme le dit le proverbe charcutier bien connu : «Un pour tous, tous porcins» et sa variante : «Nourrain pour tous, tous porcs sains !» (celui-ci est un peu tiré par les soies !).
Les éleveurs de suidés amenaient leurs bêtes par convois ferroviaires (je n’ai pas dit funéraires) jusqu’à la gare de Viricelles, mais là ils ne pouvaient pas emprunter le tramway inadapté pour ce genre de trans-port (jeu de mot-laie !). Aussi devaient-ils mener (de goret ou de force) leurs vaches, pourceaux et moutons, à pied (de porc ou de veau) jusqu’à leur lieu de trépas, à 8 km de là ! J’imagine la horde traversant toute la ville de Chazelles avec force beuglements, grognements, bêlements et gueulements des bergers, lors de cette transhumance citadine originale. On m’a certifié que cet événement pittoresque avait perduré jusque dans les années cinquante. Ah, on ne s’ennuyait pas en ce temps-là ! (temps de cochon, ça va de soie !)
Ce qui est curieux, c’est que pendant mon séjour dans les Montagnes du Matin, je n’ai jamais aperçu le moindre groin. J’ai dû rater la coche ! Par contre, des vaches et des veaux, par monts et par vaux, j’en ai rencontré des tonnes – et je les ai sentis aussi ! Il est vrai que la région est un des premiers producteurs laitiers de France et, d’après ce qu’on m’a dit, une des plus importantes pour l’élevage équin.
Pour un amoureux des bêtes, voilà le port d’attache rêvé. Cochon qui s’en dédit. Je dirais même plus : «Qui vivra verrat !»
Bernard CAPO