La traversée des années 40-44 de deux Chazellois : Ferdinand Mirabel (alias Vincent) et
Adrien Monier (alias Rodolphe).
Accablés par la défaite, les Français sont majoritairement résignés et mettent toute leur confiance dans le Maréchal Pétain, « le vainqueur de Verdun ».
Toutefois, quelques-uns n’acceptent pas la défaite et dans la clandestinité, ils organisent la résistance :
- la résistance civile improprement qualifiée parfois de résistance passive.
- la résistance armée ou résistance militaire .
C’est le cas de deux Chazellois : Ferdinand Mirabel et Adrien Monier.
FERDINAND MIRABEL
Ferdinand Mirabel est déjà une personne engagée dans la vie civile, dans le monde syndical comme secrétaire à la CFTC (Confédération Française des Travailleurs Chrétiens) – arrondissement de Montbrison et dans le monde politique comme membre actif du PDP (Parti Démocrate Populaire).
Dès l’été 1940, il entre en Résistance. Le 18 juin 1940, en réponse à l’appel du Général de Gaulle, il écrit le poème « Juin 1940 »
Il est en étroite relation avec ses amis syndicalistes et les hommes politiques de son parti, partageant le même idéal « mettre l’Allemand dehors ».
Gentgen, colonel dans l’Armée Secrète département Loire, écrit : « Ferdinand Mirabel agit, pour un temps, dans un complet isolement ; Il est secrétaire de la section d’arrondissement de Montbrison de la CFTC et membre du PDP. Il habite Chazelles-sur-Lyon. Au cours de l’été 1940, il rédige un tract contre le gouvernement de vichy et contre l’idéologie nazie. Il le fait dactylographier et il l’envoie à des amis sous pli cacheté ».
Joseph Besson, alias Bertrand, témoigne dans son ouvrage « Chronique des années sombres » que Ferdinand Mirabel, fin 1940, lui remet, en cachette, lors d’une rencontre, une feuille ronéotypée avec le texte « La revanche se prépare même sans espoir ». Il rajoute : « C’est de cette minute qu’est né le secteur 5 de la Résistance du Rhône ».
Ferdinand Mirabel participe activement à la Propagande et à la diffusion des tracts et journaux clandestins (Libération, Combat, Témoignage Chrétien).
Avec l’aide du Père Labrosse, vicaire à Chazelles, il forme des équipes locales.
Il contribue à la création des groupes de Résistance.
Il est accompagné, un peu plus tard, par son fils Jean (né en 1927), devenu Agent de liaison ; l’agent de liaison a un rôle primordial : c’est lui qui apporte aux groupes armés les informations et aussi, parfois, des documents.
Ferdinand Mirabel et son fils Jean, qui ne se sentent plus en sécurité sur Chazelles, craignant d’avoir été dénoncés, rejoignent, début juillet 1944, le maquis de Roche-en-Forez, au-dessus de Montbrison, dans les Monts du Forez.
En complément retrouver l’article écrit par Pierre Mathieu – 23 janvier 2017 – Ferdinand Mirabel.
ADRIEN MONIER
Adrien Monier, pseudo Rodolphe
1902-1972
Rien semble-t-il ne prédispose Adrien Monier à ce destin de chef militaire : c’est un peintre de talent
et aussi un musicien et un poète.
Né dans une famille chazelloise, de profession « marchand de poils », il est investi dans la vie associative (Dirigeant de l’équipe de foot de l’A.S.C) de la ville ; il participe activement aux animations des fêtes annuelles.
Appelé comme 2ème classe en 1939, il est démobilisé, après moins d’une année, le 30 juillet 1940, sans avoir jamais vu un Allemand.
Adrien Monier refuse la situation et son premier réflexe de poète est d’écrire un pamphlet qui dénonce la défaite « Le retour des cendres de l’Aiglon ».
Il écoute la BBC ; il fréquente Ferdinand Mirabel ; il est en contact avec le Comte de Neubourg et Marguerite Gonon de Poncins et quelques chazellois dont Paul Blanchard, Pierre Combe, Fleury Dumas, Claude Forriat, Max France (son neveu), Claude Protière avec qui il partage les mêmes valeurs. C’est avec eux qu’Adrien Monier, fin 1942, fondera le « Corps Franc », groupe de résistants armés qui agissent en commando.
Son activité professionnelle de représentant de commerce « vente de peaux et poils » aux Etablissements Bruyère Frères de Montélimar fait qu’il bénéficie d’un laisser-passer lui permettant de circuler librement.
L’heure n’est pas encore à l’action ! « La revanche, çà se prépare, même sans espoir ». Aller plus loin, entrer en résistance armée, est une idée qui murit dans la tête d’Adrien Monier. Mais comment faire ? Mener des actions nécessite une formation, des hommes, de la logistique et des moyens (armes, explosifs…) !
Adrien Monier crée, fin 42, le Groupe Franc, un groupe de résistance armée.
En mars-avril 43, lors d’un de ses déplacements professionnels en vallée du Rhône, il est mis en relation avec Francis Commaerts (alias Roger), un agent du SOE (1), venu de Londres avec pour mission d’organiser la Résistance dans le Sud-Est de la France (mission « Jockey ») en vue d’un débarquement des forces alliées. Commaerts fournit les armes et Monier les hommes. En rejoignant le SOE, Monier reçoit une formation. Les ordres arrivent de Londres, via la BBC.
La nuit, ses hommes, mènent leurs actions clandestines (sabotages de voies ferrées, lignes téléphoniques, lignes électriques…) ; le jour, ils vaquent à leurs occupations habituelles.
Début 44, Monier rejoint l’Armée Secrète sous le commandement de Marey chef départemental de l’Armée Secrète Loire (2), tout en continuant à profiter, du réseau « Jockey », de parachutages de matériel. Leur rencontre a été orchestrée par Ferdinand Mirabel et Jean Rolle, chef du secteur Montbrison.
Marey nomme aussitôt Adrien Monier Chef du Secteur Est Plaine qui comprend six sous-secteurs : Panissières, Feurs, Chazelles, Montrond, Saint Galmier et Saint Héand. Ces sous-secteurs conservent leur autonomie. Leur mission est de mener des actions de sabotage, de propagande, d’éliminer les traitres et de préparer les actions futures de libération.
Le 12 juillet 44, Marey crée les Groupes Mobiles d’Opérations (GMO) qui sont les unités combattantes ; leur rôle est de fournir des renseignements et de préparer les opérations de libération. Le Groupe Franc de Rodolphe prend alors le nom de GMO Liberté.
Ils rejoignent le maquis dans la nuit du 13 au 14 juillet.
(1) Le SOE (Special Operation Excecutive) est un organisme créé le 19 juillet 40, sous l’autorité de Churchill, « pour coordonner toutes les actions qui seraient entreprises contre l’ennemi sur le continent par le moyen de la subversion et du sabotage » en s’appuyant sur « les locaux ».
(2) L’Armée Secrète est une instance créée en automne 42 dans le but de fédérer toutes les formations paramilitaires de la zone Sud jusque-là organisées en groupes complètement indépendants. Elle regroupe les effectifs des 3 principaux mouvements de résistance : Combat, Libération Sud et Francs-Tireurs. Ces 3 mouvements, non communistes, fusionnent en mars 43 et deviennent les Mouvements Unifiés de la Résistance (MUR).
En avril 43, les forces de la zone nord intègrent l’AS et en février 44, l’AS fusionne avec les Forces Françaises de l’Intérieur (FFI).
Sources :
- Mémoire de Fabrice Meli – 1995 – Université Jean Monnet – Du SOE à l’AS. Etude d’une unité type de la résistance « Les Chapeliers de Rodolphe ».
- Ouvrage de René Gentgen « L’armée secrète de la Loire – Combats de Juillet à septembre 44 »
- Ouvrage de Clément Fereyre « Les Chapeliers de Rodolphe »