Il existait à Chazelles jusque dans les années 1930-35 “un trappon”. Celui-ci a été immortalisé dans “La chanson de Chazelles” que tout “partisan” de cette ville se doit de connaitre : c’est un des hymnes des Farlots, aujourd’hui repris par le groupe vocal éponyme. C’est ainsi qu’un des couplets nous raconte :
Pourquoi ce passage a-t-il-pris le nom de “trappon”?
Autrefois il existait un passage couvert qui permettait de monter de la Grande Rue vers la place de l’Église. Il est signalé dans le plan de la ville établi avant la Révolution, existe aussi sur le cadastre napoléonien.
Qu’est ce qu’un “trappon” ? Même si le mot semble avoir disparu des dictionnaires d’aujourd’hui, il existait encore au début du 20° siècle. En voici la définition :
« Trappe à fleur de terre, servant à fermer les caves où l’on entre par la rue, par une boutique ». Cette définition du terme “trappon” a été éditée par Mr Claude Augé en 1905: il est l’auteur du dictionnaire complet illustré de 1889. Elle existe encore chez nos cousins canadiens qui «trappent» quand ils chassent le castor ou l’élan.
Il existait certainement dans des temps fort reculés une cave sous la maison dont l’ouverture se faisait par une porte située sous le niveau du sol et dont l’accès était fermé par un “trappon”. Cette configuration n’était pas rare dans Chazelles autrefois. Une telle ouverture existait, me semble-t-il, pour le café Gonon avec le décalage de niveau entre la Place Poterne et la Cour du Château. Le passage qui nous concerne a probablement été réalisé depuis cette cave lors de la création de la place et de la rue Neuve, lorsque le pâté de maisons qui se trouvait à cet emplacement a été démoli dans les années 1840. La différence de hauteur entre le niveau de l’église et celui de la rue Neuve le permettait.
C’est sur cette place qu’on a mis ensuite la Bascule. Dans les années 50, il y avait dans ce coin de la place de la Bascule, la droguerie Gros d’Aillon, la boulangerie Ogier et la boucherie Vray notamment….et puis la pâtisserie etc…
C’est aussi à ce moment-là et lors de la création du Boulevard du Nord qu’une rue a été percée en face du “trappon” pour accéder à cette nouvelle artère depuis la place située devant l’Église.
Dans les années 1920, ce passage relativement étroit passait sous les appartements de Madame Crozet, épicière, qui avait son magasin sur le côté ouest. Les enfants allaient y acheter bonbons et caramels. La porte en bois de l’épicerie était ouverte à sa partie supérieure par quatre grands carreaux qui donnaient la lumière au magasin. Sur la Grande Rue, près de la Maison Roman située en face du «trappon» qui vendait notamment des articles de table, il y avait un autre magasin d’alimentation, l’épicerie fine Vericel : là, il s’y vendait le poisson pour le vendredi. C’était du thon au détail prélevé dans des grosses boites de conserve de 5 kilos ou de la morue salée qui baignait dans un grand bac en bois installé sur le trottoir les jours de vente: on y choisissait son morceau.
Aujourd’hui ce “trappon” a disparu, remplacé par une extension de la Place (de l’Église) Jean-Baptiste Galland, ancien curé de Chazelles sous la Restauration et à l’origine de l’agrandissement de l’église avec la construction du clocher actuel. La destruction de la maison de Madame Crozet, concernée par le passage, date d’avant la 2° guerre mondiale vers 1935. De chaque côté de la ruelle en pente ainsi formée, deux maisons ont été réhabilitées ensuite: à l’ouest la maison Courage au moment de la dernière guerre (aujourd’hui immeuble de la Maison de la Presse) à côté de la papeterie Chognot de l’époque et à l’est la maison Blanchard réaménagée en 1935, où l’on avait au rez-de-chaussée la famille Croppi dont le père assurait un commerce de chauffage et fumisterie (aujourd’hui magasin d’optique).
Des souvenirs.
Le “trappon”, c’était le terrain d’émotion des enfants de la “ville” où ils avaient l’espoir de pouvoir s’y cacher, quand le jeu le demandait, où ils craignaient de se rendre quand ils étaient menacés de punition mais aussi un passage pratique qu’il fallait traverser vite car très sombre, malodorant et “dangereux”…
…parce que le “trappon”, c’était aussi une des nombreuses “pissotières” de Chazelles quand il fallait en urgence, au sortir d’un café, soulager sa vessie. Les témoignages d’enfants ayant vécu à cette époque sont éloquents, même si aujourd’hui ils deviennent rares. Il y avait d’ailleurs bien d’autres endroits dédiés à cet usage autrefois dans Chazelles, qu’ils soient officiels comme l’urinoir de Saint Roch, ou sauvages mais habituels comme certains coins de la cour du Château ou de la rue des Chevaliers de Malte. Nous en reparlerons un jour.
Le “trappon”, c’est aujourd’hui pour les personnes âgées une page d’histoire qui s’est tournée. Les hommes qui s’y sont soulagés n’existent plus et les grand-mères d’aujourd’hui, petites filles d’hier qui y ont eu peur, sont devenues rares.