Chazelles à été donné vers le milieu 12° siècle en 1154, par un don du comte Guy II du Forez, aux Chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem pour établir une place forte en face de celle de Saint Symphorien le Château, domaine des Chanoines de Lyon. Ce village déjà mentionné en 919 était situé à un kilomètre de celui de Saint Romain le Vieux, étant établi, lui, autour du château de Reculion (dont il ne restait, semble-t-il qu’une tour), d’une église et d’un cimetière, donnant à cette bourgade aujourd’hui disparue une certaine importance. Dès leur arrivée à Chazelles, les chevaliers construisent un château primitif accolé à la petite église Saint-Michel dépendant de Savigny. Cette dernière est alors placée sous un double vocable: leur Saint Patron Jean-Baptiste et Notre Dame de l’Assomption. Lors du Permutatio de 1173, Chazelles reste dans le territoire des comtes du Forez, la commanderie dépendant de l’Ordre des Hospitaliers dans le grand prieuré d’Auvergne qui comporte 40 commanderies dirigées par un chevalier précepteur. Au XIV° siècle celui-ci est remplacé par un commandeur qui est chargé de recueillir les redevances. Elles sont envoyées au Trésor commun de l’Ordre.
Ce château primitif consiste en appartements et est doté d’une grande tour-donjon qui domine le bourg. De ces parties primitives, il ne reste plus qu’une ouverture sur la façade sud de l’église. Elle servait autrefois de passage entre l’habitation et l’église pour les commandeurs qui assistaient ainsi à la messe du haut d’une petite galerie au-dessus du chœur du sanctuaire.
Des remparts sont édifiés pour protéger les maisons construites à l’intérieur du périmètre de la commanderie. Ils partent de l’angle sud-ouest de l’église où se trouve une porte et vont d’est en ouest vers la tour dite de Jean Besson (aujourd’hui incluse dans l’ancien atelier de menuiserie Vial). Ils se dirgent ensuite vers la tour Paparelle (ou Paparel)*, au bout de l’impasse actuelle du même nom, continuent au nord jusqu’à la tour Henri Besson (aujourd’hui comprise dans les bâtiments que l’on trouve entre la boulangerie et la boucherie actuelles sur l’ancienne place de la Bascule, Rue Alexandre Séon). De là les murs de défense remontent à l’est en aboutissant à la porte et à la tour Saint-Roch qui gardent la route vers Lyon. La porte de Saint-Roch a été détruite en 1818 tandis que la tour est incluse aujourd’hui dans les maisons qui bordent le bout de la rue Lafont, de la rue A. Séon et H. d’Urfé. La muraille suit ensuite l’actuelle rue Lafont vers le sud jusqu’à une tour, aujourd’hui disparue, située à l’angle nord-est de la place Poterne actuelle, puis revient d’est en ouest pour assurer la liaison avec le donjon.
Dans cet espace on trouve un petit centre urbain fait de quelques rues étroites comme on les retrouve autour de la tour Jean Besson. Il existe une séparation entre les maisons du village et le domaine du commandeur sous forme d’un mur allant de la tour Paparelle à la tour Saint-Roch. Entre ce mur et les enceintes se trouvent «les maisons dans la forteresse» habitées par les Chazellois.
Mais la ville s’est retrouvée rapidement à l’étroit et les villageois ont commencé à sortir de la ville pour s’installer derrière les murs, principalement à l’ouest en direction de la plaine du Forez. En même temps, la population de Saint-Romain-le-Vieux s’éclaircissait devenant petit à petit un village abandonné. Un faubourg s’est ainsi créé: il prend vite de l’importance d’autant que l’on est dans une période de calme et d’absence de conflit, les habitants perdant l’habitude de se défendre.
C’est au moment de la guerre de Cent Ans que la nécessité de se protéger des hordes de brigands ou d’Anglais s’est imposée. Chazelles se dote alors d’une seconde enceinte pour ceinturer le faubourg. Elle part de la tour Jean Besson plus haut citée, traverse la rue de l’hôpital (aujourd’hui rue Armand Bazin), rencontre une tour dite de l’hôpital puis descend le long de l’actuel Boulevard Peronnet jusqu’à la tour machique** (au niveau de la rue de l’Hôpital actuel) et continue jusqu’au «fond de ville» où se trouve la Porte de Montbrison (détruite en 1849, remplacée à l’époque par une chaine qui marquait l’octroi), puis elle remonte vers l’actuelle rue Caderat en face de laquelle se trouve une nouvelle tour de défense. Elle se poursuit jusqu’au sommet de la rue de Versailles actuelle au niveau de l’ancienne rue du Fumont (actuelle rue St Exupery) où l’on trouve une autre porte. Cette enceinte se termine en rejoignant la tour Henri Besson déjà signalée. L’ensemble de ces fortifications est réalisé à partir des ruines de Saint Romain-le-Vieux transformé en carrière avec l’accord de la commanderie.
C’est pendant cette période que le château, devenu trop petit, se déplace au sud après le donjon. Le bâtiment central comporte un étage avec des appartements spacieux et aérés, puis des greniers. Il est flanqué à ses extrémités de deux grosses tours dont on trouve encore quelques restes de celle située à l’ouest. La tour de l’est a été reprise en maçonnerie en 1935 environ pour former la «grande maison» sur la place Poterne.
De même manière un bâtiment a vu le jour à la perpendiculaire de l’axe de l’église du côté de l’entrée à l’ouest, accolé au sanctuaire et terminé sur une tour. Dans celui-ci, on exerce la justice sous l’autorité du commandeur dans des salles d’audience en étage. Le rez-de-chaussée est occupé par deux cellules d’emprisonnement suivi d’un cachot du côté de l’église.
Ainsi est formée la cour du château devant la façade nord du bâtiment principal, fermée à l’est par le donjon et l’ancien château devenu grenette (petite halle aux grains) et à l’ouest par le bâtiment de la justice. Tout cela a aujourd’hui disparu (le bâtiment de justice et la tour-donjon en 1883, la grenette il y a quelques décennies). Cette démolition a permis l’ouverture de la place de l’église vers la place Poterne.
Dans cette cour on trouve un escalier hélicoïdal en pierre inclus dans un bâtiment hexagonal inséré à demi dans la façade. Il dessert les étages du nouveau château. Il est tout à fait caractéristique de l’époque de la fin du Moyen-Age. Au centre de cette cour se trouve une citerne d’eau. Entre le donjon et la tour à l’est du château, il y a une petite porte ou « poterne » qui ouvre hors de la ville dans une zone où l’on a déplacé le cimetière avant qu’il ne soit déplacé à nouveau vers la chapelle Saint Roch (aujourd’hui place de Gaulle). La façade sud du château a pris une allure résidentielle et comporte de nombreuses ouvertures donnant sur un jardin et un verger. Une portion non bâtie de ces terrains prendra au 19° siècle le nom de cour du Château, telle qu’on la connait actuellement.
Telle était la situation de la ville quand les armées de Galéas Sforza avec ses Lombards et Milanais établirent un siège en 1465 qui dura de nombreuses semaines sans qu’il puisse pénétrer dans la cité.
Il est intéressant aujourd’hui de se promener dans la ville et de retrouver quelques traces de ce passé médiéval. Le corps central du château existe toujours avec son magnifique escalier en colimaçon inclus dans la tour située au centre de la façade nord. L’arche de pierre située entre ce bâtiment et l’office de tourisme date de cette époque mais a été déplacée. La tour ouest accolée au bâtiment central du côté de la rue des Chevaliers de Malte conserve encore une partie de sa structure. Au fond de l’impasse Paparelle dans un ancien atelier de menuiserie on trouve les vestiges de la tour Jean Besson. L’escalier de la tour Henri Besson est toujours en place dans une maison de la rue Alexandre Séon. Il faut se promener sur le trottoir sud du Boulevard de la Résistance et regarder toutes les façades et décrochements divers : ce sont autant de marques de l’ancienne muraille qui partait de la tour Henri Besson pour se diriger vers la porte Saint-Roch. La tour du même nom existe toujours mais n’est plus visible : elle forme le noyau central de 4 bâtiments. On imagine parfaitement en suivant quelques empreintes et restes de ces constructions le passé médiéval de la ville. Il suffit de se placer Place des Portes au «fond de ville» pour découvrir facilement la forme qu’avait la seconde enceinte protégeant le faubourg. La rue Jean Marie Fayolle et celle de l’abbé Nanty partant de chaque côté de l’ancien porte de Montbrison en sont les exacts tracés.
Le passé industriel de la chapellerie à Chazelles a profondément modifié le visage de cette ville à partie de 1850. Il a fallu agrandir les passages au centre, percer des entrées efficaces pour le transport des marchandises, accepter le tramway en 1899, établir le tout à l’égout, l’adduction du gaz, de l’eau et de l’électricité en très peu de temps.
Cette transformation presque brutale, en quelques décennies, pour suivre l’industrialisation de la fabrication du chapeau à Chazelles a déformé près de mille ans d’une évolution urbaine lente. Et pourtant que reste-t-il de ces dizaines de cheminées d’usines orgueilleuses qui voulaient gratter le ciel et qui étaient encore là au siècle dernier?
Admirons et préservons donc autant que faire se peut les dernières traces de ce passé ancien bousculé trop vite et qui ont pourtant survécu. C’est là qu’on y trouve nos racines bien ancrées dans le sol. Chacune de ces nombreuses pierres est prête à parler quand on la regarde. Elle a une histoire à raconter.
*Paparel est un nom de famille que l’on repère dans la plaine du Forez mais aussi à Chevrières où l’on trouve un moulin du même nom en 1642. On peut admettre que la tour possédait, comme d’autres, un nom attribué à une famille (Besson par exemple)
**Machique. Ce nom est probablement dérivé du grec μάχη, prononcé mákhê, et traduit par “combat” ou “bataille”. Il s’agit donc bien d’une tour de défense. On retrouve ce terme dans tauromachie en rapport avec le combat de taureaux. Cette tour, propriété de la famille Buer, a été détruite pour l’ouverture de la rue de l’Hôpital en 1824.