On peut dissocier la conférence de Jacques Rivoire en deux parties. La première était plutôt orientée sur les meubles que l’on trouve dans notre région avec une réflexion sur leur évolution. La passion du conférencier pour notre Lyonnais l’a conduit aussi à photographier par-ci, par-là toute une séries d’objets de grande utilité hier et devenus obsolètes avec la mécanisation, l’évolution des mœurs et notamment des mesures. Il nous en fait profiter et nous allons voir, avec quelques exemples qu’il nous a sélectionné, un peu de la vie d’autrefois. Certains mots continuent à circuler dans notre langage: c’est l’occasion d’en saisir tout le sens. Les objets sont en bois, en fer forgé, cuivre ou cuir. Chacun a son histoire probablement partie avec sa disparition car tous ces objets venaient généralement d’un coin de ferme ou de maison de “là-bas”!
Voici déjà un objet curieux à gauche: il s’agit d’une boite de veloutier. Dans la région, beaucoup de petits artisans ou ouvriers à façon, avaient un métier à tisser le velours de soie, après la révolte des canuts. Dans les suites de cet épisode social dur, les patrons lyonnais ont alors donné beaucoup de travail aux gens de la campagne, plus dociles, moins chers. Quand ces derniers avaient tissé 50 mètres de tissu, ils les roulaient et les enfilaient dans cette boite en métal pour les descendre à Lyon chez le patron payeur.
La marmite de droite a son histoire. Elle date du XVII° siècle et a appartenu à “l’auberge-relai” postale de Duerne, une étape indispensable pour les courriers et les chevaux montant de Lyon. Cette marmite est en cuivre étamé et porte le nom des propriétaires: Y. Presle et Y. Garin.
Tous ces objets en bois sont en rapport avec la fabrication du beurre. Il y a bien sûr la baratte (ribot) qui servait à le fabriquer à partir de la crème du lait qui était ainsi secouée. Mais on a aussi le moule en bois qui permettait de personnaliser la motte compressée dans le réceptacle de gauche. Les deux cylindres en bois du centre sont des “marques à beurre” fabriquées traditionnellement à la main par le fiancé qui l’offrait à sa future épouse. Chaque ferme avait ainsi sa marque distinctive imprimée sur le beurre: c’était la carte d’identité de la maison.
Ces objets sont bien connus. On trouve à gauche une chauffeuse ou bassinoire ou chaufferette de lit. C’est un ancien ustensile ménager que l’on trouvait à la campagne jusqu’au milieu du 20° siècle, en concomitance avec la brique ou la bouillote. C’était une petite bassine à couvercle perforé, en cuivre, au bout d’un manche plus ou moins long. Le soir, avant le coucher, on prenait des braises dans la cheminée ou le fourneau, on les mettait dans la bassinoire que l’on passait à l’intérieur du lit pour le réchauffer. Au milieu, c’est un très beau gaufrier en fonte décorée que l’on utilisait par exemple sur le trépied de cheminée en fer forgé qui supportait la chaleur et les flammes du foyer. Il stabilisait marmites et poelles.
Un objet rare et ancien lié à la fabrication du vin; c’est une daillure ou tranche-marc. C’était un outil en forme de grande hache qui était utilisé pour débiter le bloc de marc en fin de pressée dans les pressoirs anciens. Ce spécimen est tout a fait remarquable par ses inscriptions multiples, sa date, ses représentations religieuses multiples.
Des chaussons de danseuse en bois à bride de cuir et un grappin à seau perdu pour puits en fer forgé.
L’araire primitive qui servait à labourer avant l’arrivée des charrues est là bien sûr. Cet engin agricole manuel à traction animale a été inventé 4000 ans avant JC ! Il n’a guère changé au fil des millénaires et était encore utilisé il y a une centaine d’années!
Dans un registre totalement différent, deux assiettes de faïence ancienne qui pourraient bien être de Roanne compte tenu des décors floraux très prisés dans les faïenceries de cette région. Certains opteraient pour du Nevers…
Et chose rare, à nouveau, un panoramique très ancien représentant une scène de chasse. Il s’agit d’un papier peint mural représentant, par une suite de lés collés successivement, une histoire. Ces décors de murs ont eu leur heure de gloire dans la région, au milieu du XIX° ème siècle, d’autant qu’une importante fabrique se trouvait à Saint Genis Laval: la Maison Pignet et Paliard. On trouve encore quelques exemples de ces décorations mais ils sont rares en raison de la nature du matériau: le papier. Nous avons décrit le panoramique du train Saint-Etienne/Lyon fabriqué par cette maison dans une revue de l’Araire avec Paul David ainsi que la généalogie de la famille de ces fabricants.
Pour finir, nous revenons à la ferme avec ces outils qui servaient aux moissons et au battage du grain. On y trouve la pelle à grains pour évacuer au vent le blou (la balle du grain qui servira au bétail), les différentes fourches à deux ou trois dents pour manipuler les gerbes, le rateau pour étaler ou concentrer, le fléau pour battre, le crochet à gerbe, la faucille, la gourde pour se désaltérer, les bichets à bicherée sur la droite, la bicherée étant la surface que l’on peut ensemencer avec un bichet. Le bichet est une mesure paysanne qui change selon les endroits. Ainsi à Lyon le bichet contient 19,57 litres, légèrement moins qu’à Paris tandis qu’à Saint-Etienne il en a 27.30.
Notre petit tour autour de quelques instruments ou décorations de la ferme ou de la maison se termine ici. Cette conférence nous a beaucoup appris, remettant en surface certains mots disparus, certaines coutûmes oubliées. Certains, en écoutant Jacques Rivoire, ont rajeuni avec ces souvenirs d’une jeunesse passée, d’autres ont découvert une vie très rudimentaire dans un passé pas si lointain. C’est bon de se replonger dans ces jours d’hier: ils nous font voir le développement formidable et rapide de ces dernières décennies. Le monde a vraiment changé en 60 ans!
Mis en ligne avec l’autorisation du conférencier