Les monuments aux morts de la guerre de 1870-1871 sont les premiers exemples de monuments rendant hommage aux Morts pour la Patrie et citant à égalité les hommes de troupe et les officiers. Ils apparaissent dès la fin du conflit et sont beaucoup plus nombreux dans l’Est et le Nord de la France, généralement au-dessus de la Loire, zones où se sont déroulés la plupart des combats. Ils ont duré plus de 6 mois entre juillet 1870 et fin janvier 1871. Le conflit s’est arrêté avec le traité de Francfort dans lequel un article stipule que les deux États signataires s’engagent, sur leur territoire respectif, à entretenir les tombes de soldats morts pendant le conflit. Cela posera d’ailleurs un problème notamment en Alsace-Lorraine. Il y a eu entre 100 et 140 mille morts généralement enterrés dans des tombes collectives sur les lieux de combat puisqu’il n’y avait pas alors de moyen d’identification par plaque individuelle comme ce sera le cas ensuite.
De nombreux ligériens sont morts à la célèbre bataille de Gravelotte en Lorraine au mois d’août 1870. Chazelles-sur-Lyon mais aussi Chevrières en font souvenir sans oublier Héricourt, Metz ou le siège très meurtrier de Paris qui dura 6 mois après la défaite de Sedan.
Sur le plan juridique ces monuments sont des biens communaux gérés par les municipalités et relèvent ainsi de leur compétence. Ce sont elles qui décide ou non de leur création.
Le monument de Chazelles-sur-Lyon a été inauguré le 20 aout 1882. Il a été construit sur la toute récente place Thiers faisant suite au cimetière communal Saint Roch, lui-même transféré quelques années auparavant en haut du Grand Chemin. Il est en forme de pyramide tronquée surmontée au sommet d’un ove, élément funéraire classique. Cette structure est placée sur un piédestal élevé lui-même sur deux marches. Sur la face principale du piédestal on trouve la mention « A nos concitoyens morts pour la patrie 1870-1871 ». Sur la pyramide sus-jacente on trouve les armes de Chazelles-sur-Lyon timbrées de la couronne des villes libres et entourées d’un feuillage de chêne et de laurier.
Au-dessus une épée, pointe en bas ni guerrière ni conquérante mais capable de prouver son utilité, forme un faisceau avec deux flambeaux destinés symboliquement à chasser l’obscurité.
Sur les autres faces du piédestal on trouve les noms des morts et disparus originaires de la commune.
André AURARD mort au monastère de la Grace de Dieu près Besançon.
Il s’agit de l’abbaye de la Grâce-Dieu occupée par des trappistes depuis 1844 après avoir été bien national en 1792. Les prussiens investissent l’abbaye en octobre 1870.
Jean MONTVERNAY blessé au siège de Paris mort à Chazelles.
Le siège de Paris va durer du 18 septembre 1870 au 25 février 1871, période pendant laquelle la mortalité va tripler par rapport à l’année précédente. Il se terminera avec la capitulation de la France et l’entrée symbolique de l’armée prussienne dans Paris qui a toujours résisté. C’est Adolphe Thiers qui est nommé chef du pouvoir exécutif de la République
Louis REYNAUD blessé à Gravelotte mort à Chazelles.
Gravelotte et ses environs sont le siège de terribles combats au cours de la guerre franco-prussienne en août 1870 au point que les deux batailles de Rezonville le 16 août et de Saint-Privat le 18 août deviennent la « bataille de Gravelotte ». La densité du tir des armes à feu et des canons avec le nombre concomitant de soldats tombés sur le champ de bataille a donné naissance à l’expression « ça tombe comme à Gravelotte » ou « pleuvoir comme à Gravelotte » quand il pleut ou grêle énormément. On a dit aussi que la terre criait au lendemain de ce terrible combat tant nombre de blessés avaient été enterrés vivants. La bataille a opposé le général Von Steinmetz au maréchal François Achille Bazaine. On a déploré près de 5 300 morts et 14 500 blessés du côté prussien et 1 200 morts, 4 420 disparus et 6 700 blessés du côté français. La route vers Belfort assiégé est presque ouverte mais cette bataille a énormement marqué les esprits par la densité des morts et des blessés allant jusqu’à provoquer de l’effroi chez le chef de l’armée de l’Est qui se retire dans Metz.
Antoine Marie RIVOLLIER tué à Gravelotte
Pierre Philippe FAYOLLE mort à Metz
Le siège de Metz se déroule du 20 août au 28 octobre 1870. Les troupes du maréchal Bazaine sont assiégées par la seconde armée prussienne. Une autre partie de l’armée française commandée par le maréchal de Mac-Mahon tente de rejoindre celle de Bazaine, mais les prussiens la piègent le 1er septembre 1870 à Sedan entrainant sa capitulation le 4 septembre 1870. Dans cette ville réputée imprenable, on a 15 000 malades ou blessés qui s’entassent dans des baraquements de fortune. On mange des chevaux et des rats pour survivre. Sedan sonne le glas des espoirs messins et Bazaine se rend sans combattre fin octobre 1870. Voulait-il éviter à ses troupes un nouveau Gravelotte?
le 24 novembre 1871, nous Claude Pupier, officier de l’état civil de la commune de Chazelles-sur-Lyon, avons transcrit l’acte suivant : Service des hôpitaux militaires ; Extrait du registre des décès. Commune de Metz, armée du Rhin, ambulance du dispensaire de Metz. Dudit registre des décès dudit hôpital, a été extrait ce qui suit : Le sieur Fayolle Pierre Philippe, soldat au 60e de ligne, 3e bataillon, 1ere compagnie, N° Mle 3027, né le 10 novembre 1846 à Chazelles-sur-Lyon……, fils de Mathieu et de Claudine Néel, est entré audit hôpital le dix huit du mois d’octobre de l’an 1870 et y est décédé le neuf du mois de novembre à quatre heures dru soir( par suite d’un coup de feu à la cuisse suivi d’accident typhique.
Jean Pierre DUBOEUF disparu
Christophe GARDON tué à Arthenay
L’Armée de la Loire , l’avant-garde française, forte de 8 000 hommes et 16 canons, rencontre l’armée prussienne à Arthenay (45) formée de 14 000 hommes et 100 canons. Les français sont battus et se replient dans la forêt d’Orléans, perdant 900 hommes tués, blessés ou prisonniers, tandis que les allemands perdent 200 hommes
Claude GIRARD mort en Prusse
Jean MATHELIN tué au siège de Paris
Service des Hôpitaux militaires. Commune de Gentilly, hôpital temporaire de Bicêtre. “Le sieur Mathelin jean, soldat au 111° régiment d’infanterie né le 30-09-1849 à Chazelles sur Lyon est entré au dit hôpital le 9 du mois de janvier 1871 et y est décédé le 22 janvier 1871 pour suite de variole confluente”
Pierre NOALLY tué au siège de Paris
Jean Marie ROSSIGNOL disparu
Le vingt neuf novembre 1870, Extrait du registre des actes de l’état civil de la commune des Sables d’Olonne, département de la Vendée pour l’an 1870. L’an 1870, le 15 du mois de novembre ….Jean Marie ROSSIGNOL, âgé de 26 ans révolus étant né le 26 janvier 1844 à Chazelles sur Lyon,…, soldat au 39° régiment d’infanterie de ligne, 2° bataillon, 3° compagnie, immatriculé sous le N° 2670, arrivé à l’ambulance des Sables d’Olonne le 14 du courant, célibataire, fils de Jean Antoine Rossignol et de Marguerite Guillot son épouse, demeurant et domiciliés audit Chazelles-sur-Lyon et décédé à la dite ambulance des Sables d’Olonne…
Jean Pierre TISSOT mort à Héricourt
Héricourt en Haute Saône est le siège de la bataille “dite” de la Lizaine. Le 14 janvier 1871 l’armée de l’Est avec le général Bourbaki tente de passer pour dégager Belfort.
On peut retrouver aussi :
Antoine ROSSIGNOL
né en 1847 à Chazelles-sur-Lyon, est blessé à la bataille de Sedan avec une plaie à la jambe gauche et une ostéite. Antoine ROSSIGNOL est le neveu de Jean Marie ROSSIGNOL
Il nous a paru intéressant de mettre en lumière un monument qui a, dans le département de la Loire, un caractère exceptionnel. On en dénombre très peu ; moins d’une dizaine dont Chevrières déjà cité, Saint Etienne, Roanne, Rive-de-Gier ou Saint Germain Laval. Tous les inscrits n’ont pas été retrouvés sur l’état-civil de Chazelles, probablement nés ailleurs mais habitants sur la commune à la levée des troupes.
C’est aussi faire avec les inscriptions un petit retour sur une page très mal digérée de l’histoire de France avec le retrait de Bazaine et l’armée du Rhin dans Metz puis la défaite de Sedan. Le maréchal refusera tout combat après cette bataille de Gravelotte impressionnante, indécise mais potentiellement avantageuse ayant permis d’ouvrir la route vers Belfort assiégé, direction que la troupe n’a pourtant pas prise en abandonnant le terrain pour se réfugier dans Metz. Ce fut un tournant capital dans cette guerre puisque la ville sera à son tour assiégée et capitulera le 27 octobre 1870. Bazaine passera plus tard en cour martiale sauvant sa tête mais pas l’indignation nationale.
Le conflit a surement marqué l’esprit du chapelier Eugène PROVOT, un futur maire, né à Wasselonne en Alsace (son père était pelletier mais aussi chapelier comme ses deux frères), province occupée par les prussiens à l’issue du conflit. Il lui faudra d’ailleurs un laisser-passer des autorités locales pour se marier avec Benoite (Bénédicte) Néel à Chazelles-sur-Lyon en avril 1871. Il aura donc été très certainement le meilleur supporter de ce monument.