Le nitrate de potassium est un corps chimique ionique anhydre composé d’anions nitrates et de cations potassium, de formule brute KNO³. Ce composé minéral salin est soluble dans l’eau. C’est le nitre des minéralogistes trouvé en zone de désert et le salpêtre des anciens chimistes et fabricants de poudre noire. Feux de Bengale et d’artifice en dérivent.
Connu très tôt, c’était le « salpetrae » ou sel de pierre. On l’appelait aussi dragon, cerbère ou sel d’enfer. Plus simplement: ce salpêtre correspond à cette couche pulvérulente blanchâtre, qui se forme sur les vieux murs humides par évaporation de l’eau.
Ce salpêtre peut être récolté en grattant des pierres ou des briques situées dans des lieux sombres riches en ammoniac, comme les caves d’affinages, les étables, les écuries, à la surface de la terre où il est très peu profond mais aussi à partir d’eau riche en ammonium très solubre dans l’eau. Cette substance s’oxyde en nitrate avec les bactéries nitrifiantes locales. Ce sel cristalise ensuite par évaporation et séchage.
Un mélange proportionné de soufre, de charbon de bois et de salpêtre permet de fabriquer de la poudre à canon ou poudre noire mais il est utilisé aussi en teinturerie, dans les verreries, pour les eaux-fortes et pour la fonte des métaux et bien sûr… dans nos régions pour la conservation des charcuteries.
L’usage comme explosif était autrefois l’emploi principal du salpêtre et c’est sous Louis XVI en 1775 (il est nommé roi en 1774) que la Régie des poudres et salpêtres a été créée grâce à Turgot, ministre des Finances et Lavoisier le chimiste.
Dès la naissance de la Révolution Française, la production de salpêtre diminue et la nouvelle République est vite menacée par les armées étrangères coalisées. Les Anglais imposent en plus un blocus maritime qui empêche toute importation car il existe des pays qui ont des gisements: Amerique Centrale et du Sud, Inde, Iran, Russie et plus près Espagne.
Gaspard Monge, scientifique, jacobin et ministre de la Marine impose avec le Comité de salut public l’extraction « révolutionnaire » du salpêtre.
Quelque petit coin de la République que ce soit est prié d’envoyer deux jeunes qui sont formés à récolter, purifier et raffiner le salpêtre dans les carrières, grottes et caves, écuries et caveaux. Rentrés chez eux, ils sont nommés agents avec pouvoirs exorbitants pour une chasse au salpêtre dans chaque maison ou ferme. Les sols des caves, des écuries et des étables étaient lessivés pour en extraire le salpêtre nécessaire à la fabrication de la poudre. On enlevait même la terre chez les particuliers. Tout était dirigé ensuite dans un entrepot muni de chaudières de raffinage pour la concentration des matières nitreuses ramassées en les lessivant avec de la cendre de bois et d’herbes.
Ces nitres subissaient trois ou quatre cuissons et lessives successives pour en arriver à un salpêtre concentré et en poudre qui était ensuite dirigé vers les usines des poudrières (voir en ouvrant le lien plus haut). Beaucoup d’églises étaient mobilisées comme batiment (p.e. l’église de Saint-Germain-des-Prés à Paris) pour l’extraction de ces sels entrainant de gros dégats à l’édifice, ce qui n’était pas grave, bien au contraire, pour l’époque !
Et bien Chazelles n’a pas échappé à cette course au salpêtre pendant la Révolution. Lyon ayant été banni et devenu “Commune Affranchie”, Chazelles-sur-Lyon s’est alors appelé Chazelles-sur-Commune Affranchie du district de Montbrison, encore alors dans le département de Rhône et Loire pas encore divisé.
Un agent des Poudres et Salpêtres avait été nommé en 1793 à Boen-sur-Lignon et une agence avait été ouverte sur Chazelles. L’église avait été transformée en entrepot à salpêtre avant d’être envoyé à Montbrison. Il était extrait à côté, au château. On trouve dans le livre d’Hippolyre Bourne* quelques pages concernant cet épisode notable. Il est intéressant d’avoir retrouvé une de ces fameuses lettres écrite par le sieur Bourlier le 19 septembre 1794 et qui menace les salpétriers de dénonciation au Comité de Salut Public comme contre-révolutionnaires parce qu’ils manquent d’efficacité. On sait que cette action entrainait automatiquement les individus incriminés vers les prisons et au tribunal de Feurs où sévissait la guillotine.
L’en-tête de la missive est édifiant:
MORT AUX THYRANS
LIBERTÉ CÉLÉRITÉ ÉGALITÉ
On peut trouver ci-dessous un extrait du livre de Hippolyte Bourne (1° édition numérotée 1912) relatif à cet évènement. Le sieur Bourlier est bien mentionné. Il est signalé aussi l’usage de cendres, du charbon, des débris végétaux pour le feu et celui des chaudières des chapeliers utilisées pour la foule. On comprend bien alors pourquoi il n’y a pas grand zèle pour ces artisans à faire du salpêtre! Ils n’ont plus rien pour faire des cloches de feutre de poils.
Il est évident que lorsqu’arrivera jean-Baptiste Galland en 1807 sur la paroisse, à la suite du curé Fournel venu en 1801, il aura trouvé une église transformée en un vaste entrepot ouvert à tous les vents. Il aura alors pour première tache de la réhabiliter. Cela lui demandera plus de 3 décennies, période pendant laquelle il restera constamment sur Chazelles, finissant comme chanoine honoraire de la Primatiale de Lyon.
* Hippolyte Bourne. Histoire de la Ville & de la commanderie de. Chazelles-sur-Lyon.