La vie à Chazelles-sur-Lyon

Alexandre Séon nait en 1855 dans cette petite ville des Monts du lyonnais qui commence à peine sa révolution industrielle pour passer de la confection artisanale du chapeau de poil animal à celle de fabrication industrielle qui ne commencera qu’en 1871 avec la création de la Manufacture Française de Chapeaux de Eugène Provot.

Le père, Fleury (1810-1901)[1] est le fils de Louis Séon (1777-1849), tailleur d’habit, et de Jeanne Moretton. Il est d’abord voiturier et assure le transport des marchandises depuis Montrond-les-Bains  ou Lyon[2] avant de tenir le commerce paternel de drapier-couturier qui est au début de la rue de l’Église. La mère, Jeanne (1811-1869), née Servant et native de Grezieu-le-Marché, n’avait pas de profession mais, comme toute mère de famille de l’époque, de nombreux enfants, sept(?) :

  • Louis en 1840[3]
  • Catherine en 1841
  • Joséphine en 1845[4]
  • Marguerite en 1848[5]
  • Elisabeth en 1850
  • Georges nait en 1852[6]
  • Alexandre en 1855
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Rue de l’Eglise à Chazelles

Elle a  donc 44 ans comme son époux quand Alexandre, son dernier enfant, nait le 19 janvier 1855. Fleury Séon a probablement repris l’activité de son père Louis, tailleur en habit, vers 1850 après sa mort. Alexandre nait en effet rue de l’Église[7] comme Georges  à la différence des autres enfants nés Rue du Faubourg. Il grandit donc au pied de la tour Paparel, près de la nouvelle place Neuve ou place de la Bascule, au début de cette petite rue qui mène à  l’église et dont l’immense et nouveau clocher a pris l’habitude de flirter avec les nuages quand son chœur s’est rempli des couleurs des vitraux d’Alexandre Mauvernay de Saint-Galmier qui vient d’y faire merveille.

Il monte très vite à l’école des Frères Maristes qui est installée en haut de la Rue de Lyon vers le nouveau cimetière qui a quitté le quartier Saint-Roch pour aller au quartier du Mont.

On dit qu’il est très vite attiré par le dessin et la peinture et ce serait un chapelier, le Père France, qui lui aurait enseigné très tôt l’art de manier crayons et pinceaux. Un maçon lui aurait appris très tôt les couleurs

La mère d’Alexandre meurt en 1869 lorsqu’il a 14 ans, son frère Louis se marie l’année suivante en 1870, le jour de la mort de sa mère. Il descend à Lyon à ce moment-là pour rejoindre probablement sa sœur Marguerite, jeune mariée qui y habite.

La vie à Lyon.

Arrivé dans cette ville en 1871, Alexandre s’inscrit à l’école des Beaux-Arts.

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L’impressionnisme avec Pissaro. Vue d’un boulevatd

Il y suit des cours théoriques de dessin, de sculpture, de gravure et d’anatomie sans être très motivé mais consciencieusement. Il se lance aussi dans des petits travaux artistiques en réalisant des cartons pour les soyeux lyonnais ou des panneaux publicitaires, ce qui lui procure quelques recettes. Marguerite, épouse Gromollard, sa sœur qui a 7 ans de plus que lui, s’occupe de son frère. Elle lui donne en 1874 un neveu, Fleury du nom de leur père. Alexandre s’y attachera beaucoup : il deviendra plus tard son légataire.

Mais cette vie lyonnaise ne le passionne pas et il a d’autres ambitions. Il a 21 ans en 1877 quand il se met à juger et que seule la capitale lui permettra de vivre de son art tout en lui permettant de développer une nouvelle peinture que le classicisme lyonnais ne peut entrevoir. Autour de lui tout bouge à une vitesse folle, la révolution industrielle a envahi les villes et les campagnes, les usines avec le charbon, l’acier et le vapeur dévorent dévorer les paysages.

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Les usines de Chazelles. La petite bourgade n’est plus quand il revient dans sa famille.

Même Chazelles s’est offert une usine à gaz et une douzaine de cheminées qui crachent leur suie noire jour et nuit. Il veut lutter avec ses pinceaux contre cette révolution qui détruit tout le passé par un réalisme selon lui  exorbitant. Il ne se retrouve pas dans un Gustave Courbet. Paris devrait lui permettre de trouver un courant artistique de où il pourra s’exprimer : il craint le bouleversement social et reste très ancré dans les traditions. Il n’a pas non plus d’affinité pour l’impressionnisme de Renoir ou de Manet dérivé du réalisme et qui veut représenter la vie quotidienne dans la rue, les cafés et les lieux de distraction. Cette tâche pourrait être largement laissée à la photographie naissante. Les clichés de la vie quotidienne apparaissent en effet depuis une dizaine d’années.

Débuts de la vie à Paris : Lehmann et Puvis de Chavannes

Il arrive à Paris en 1877 et trouve un logement sur l’ile Saint-Louis. Isolé, il demande une aide financière pour s’inscrire aux Beaux-Arts de Paris sous forme de bourse au Conseil Général de la Loire. Elle lui est refusée, pourtant soutenue par le maire de Chazelles, conseiller général. 

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Photo Georges Seurat (National Gallery)

Cela ne l’empêche pas de s’inscrire et il rentre en 1878 dans l’atelier du portraitiste Henri Lehmann, un élève d’Ingres. Il y rencontre Georges Seurat avec lequel il nouera des liens très fort jusqu’à la mort brutale de ce dernier. Il poursuit ses études malgré des demandes de bourse constamment refusées. Ses premiers tableaux apparaissent à partir de 1879 au Salon des Artistes Français dont en 188o la toile intitulée « Mon père ». Il ne se plait pas dans cette école et finit par se faire remarquer par le peintre Pierre Puvis de Chavannes d’origine lyonnaise avec qui il va travailler pendant plus de 10 ans grâce à une collaboration régulière pour des travaux importants : Musée de Lyon, le Panthéon, La Sorbonne. Il est rapidement présenté comme le poulain de Puvis de Chavannes et expose à ce titre dans les salons parisiens et lyonnais sans que ses toiles ne lui apportent beaucoup d’argent.

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Puvis de Chavannes peint à Lyon

Il s’inscrit donc en 1882 au concours d’enseignant de dessin d’art pour la ville de Paris qu’il réussit. Il est nommé au 1°janvier 1883 professeur  des écoles. Il répond à un appel d’offre pour la décoration de la mairie de saint Maur mais n’est pas retenu. Il en va tout différemment l’année suivante où il obtient le marché de la ville de Courbevoie. La décoration commencé en 1885 de la salle de mariages sera une de ses œuvres majeures et sera soutenue par Puvis de Chavannes. Elle va l’occuper pendant 6 ans, période pendant laquelle il va déserter les salons de peinture.

Il reste cependant en étroite relation avec son ami Seurat et poursuit ses activités d’enseignant à la ville de Paris.

La vie à Paris : la mort de Seurat et l’amitié avec Péladan.

Avec Courbevoie, Alexandre Séon a obtenu la notoriété et rencontre grâce à Seurat de nouveaux peintres néo-impressionnistes et des personnalités…

A suivre

maga[1] Il a trois sœurs : Benoite née en 1806, Elisabeth Joséphine en 1808 et Antoinette en 1812.

[2] La ligne Mangini Lyon-Montbrison avec gare à Viricelles n’ouvre qu’en 1876. Montrond est la gare la plus proche sur la ligne Saint-Etienne-Roanne.

[3] Il se mariera avec Antoinette Berne en 1871, sera drapier comme son père. Il meurt en 1920,

[4] Elle décède à l’âge de 3 ans en 1849, la même année que le père de Fleury

[5] Elle se mariera avec Antoine Gromollard. Son fils Fleury, neveu d’Alexandre sera son légataire universel.

[6] Il décède très tôt.

[7] Dans cette maison Séon vivront pendant quelques années après la mort d’Alexandre, Louis son frère avec Antoinette, sa belle-sœur, et Catherine sa sœur. À la mort de Louis la maison est vendue aux Murigneux qui ouvriront une pâtisserie tandis que les deux belles-sœurs ouvriront sur la Rue Neuve un peu plus haut que l’église un magasin de tissus d’ameublement et draps. On dit qu’à leur départ de la rue de l’Église, elles auraient brulé de nombreux dessins d’Alexandre jugés offensants dans leur contenu.