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Aveize faisait partie de le Gaule et du territoire des Ségusiaves sur la rive droite du Rhône, sa rive opposée étant occupée derrière Vienne par les Allobroges. Ce sont les Romains qui, occupant le pays, développèrent l’extraction de l’argent dans le sous-sol de la région riche en métaux divers et qui ont d’ailleurs laissé leur nom à plusieurs lieux locaux : l’Orzon, l’Orjolle, l’Argentière. L’essentiel des mines se trouvait sur les terres du romain Avetius (qui donne son nom au village d’Aveizia en 973 puis Aveize, tel qu’aujourd’hui) que l’on trouve sur le côté ouest d’une colline d’où prend sa source un ruisseau du nom de  Coise, affluent de la Brévenne qui coule plus bas vers L’Arbresle. Il est différent de la Coise qui traverse Saint Symphorien notamment et qui serpente depuis Lamure. A quelques distances, on trouve aussi la Gimond, affluent de cette Coise et bien sûr l’Orzon qui se dirige, lui, vers la Brévenne.

On trouve ainsi d’un côté et d’autre d’Aveize une vallée: celle de la Brévenne qui commence à Viricelles et se dirige sur Sainte-Foy l’Argentière et celle de la Gimond qui part d’Aveize en direction de Grézieu et Pomeys. Elles coulent en sens opposé. 

C’est au bas de la colline, dans le vallon dit de l’Argentière, qu’ Aymon de Coise demande avant de mourrir la création d’un prieuré de moniales de l’ordre de Saint-Benoit en 1273: Notre-Dame de Coise. Il dépend, comme celui de Leignieux, de l’abbaye de Savigny. Il est destiné à recevoir trois de ses filles (la tradition populaire, toujours railleuse et naïve, ajoute que les trois filles du chevalier étaient si infirmes et si contrefaites, qu’il leur eût été difficile de prendre un autre parti que celui de prier Dieu!) et neuf autres demoiselles de grande noblesse. Il lègue le tout en l’absence de descendance masculine à son frère Hugon, chamarier (une dignité ecclésiastique lyonnaise) de l’abbaye de Savigny. À cause de l’insécurité qui règne à l’époque, l’architecture initiale comprend un dispositif de défense composé de tourelles, hourds en bois et de mâchicoulis. Un pont-levis enjambe le ruisseau Coise.  Notre-Dame de Coise en l’Argentière devient un lieu de pèlerinage fort fréquenté. En même temps, le monastère dispose d’une autorité territoriale.

En 1448, Jacques Cœur, argentier du roi Charles VII, attire l’attention sur cette région calme. Il reprend l’exploitation des vieilles mines romaines de plomb argentifère. La vallée profite alors des couleurs et du prix des métaux. Mais notre homme tombe en disgrâce quelques années plus tard et ses biens sont confisqués. Les mines sont pourtant rendues à ses enfants en 1456 mais elles sont vite abandonnées par manque de rendement. Il faut noter une dernière tentative de reprise d’exploitation qui est faite en 1860. Mais c’est finalement le charbon de Ste-Foy-l’Argentière qui va prendre son essor et attirer les yeux à partir de 1869. En 1900, cette mine emploie à l’intérieur 126 ouvriers et 2 chevaux, à l’extérieur, 43 ouvriers et 3 chevaux. L’exploitation de ce puits s’arrête en 1909.

Revenons à notre prieuré qui petit à petit, faute de religieuses, périclite. Il n’en reste plus que 5 vers 1750 alors que persistent 4 prieurés de bénédictines sur le diocèse de Lyon dont celui-ci : Alix, Salles-en- Beaujolais et Leignieux. Monseigneur de Montazet, archevêque de Lyon, avec l’appui de Louis XV, ordonne l’arrêt de tout recrutement à l’Argentière en 1762 malgré le bon état des bâtiments et les ressources de la maison. Mais par chance, en 1776, Marie Madeleine de Gayardon de Fenoyl, agrégée au chapitre noble de Leigneux, est reçue chanoinesse et devient prieure de l’Argentière. Elle fait alors tout pour redonner vie à cette maison qu’elle connait bien comme native de l’endroit et qu’elle admire depuis son enfance. Elle a beaucoup de relations, notamment à la Cour du Roi, et obtient de Louis XVI en 1777 que le prieuré de l’Argentière devienne un Chapitre noble, institution religieuse constituée en l’occurrence de chanoinesses séculières, ne renonçant pas à leurs biens personnels, astreintes à exhiber un certain degré de noblesse, variable selon les chapitres considérés. Concernant l’Argentière, les chanoinesses comtesses doivent prouver leur noblesse jusqu’au 7ème aïeul paternel et bisaïeul maternel Elles vont constituer le Chapitre Noble des Chanoinesses comtesses de l’Argentière. En 1779, celui-ci bénéficie en plus d’une partie des biens de l’abbaye de Savigny qui périclite et qui va fermer en 1780. Le chapitre a à sa tête une prieure assistée d’une sous-prieure et d’une sacristaine. Il exerce une juridiction complète à Aveize. Le simple prieuré d’hier devient une grande abbaye en 1780 avec le soutien de Monsieur, frère de Louis XVI, futur Louis XVIII, et une ordonnance de Pie VI. On entame la construction de superbes bâtiments à galeries de part et d’autre d’une magnifique chapelle. L’abbaye doit prendre une allure royale avec de vastes constructions tournées vers la vallée de la Brévenne qu’elle domine, le tout sous la direction de l’architecte lyonnais Desarnod. La première pierre est posée…. par Monseigneur Malvin de Montazet, archevêque de Lyon et primat de France, celui qui voulait faire fermer l’établissement! 

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         Tout y est prévu, et très beau!  Les travaux avancent à grande vitesse. Mais  la Révolution va plus vite et arrive quand les arcades et la chapelle sont hors air et hors eau. La chapelle a même pu placer  sa grosse cloche, venue de l’ancien clocher du prieuré et sur laquelle on peut lire – Valette, fondeur, 1706. Elle n’a pas de parrain, mais deux marraines : Marie Anne Joseph de Chavagnac et Angélique de Charpin, prieure.

        Il manque donc en 1790 les ailes de cette immense maison religieuse alors que la tempête révolutionnaire a tout balayé sur son passage. L’assemblée constituante ne reconnait d’ailleurs plus en 1790 les maisons monastiques. Ainsi, les ordres et les congrégations sont supprimés. Pendant la Révolution, tout ce qui appartenait aux chanoinesses de l’Argentière est mis en vente au titre de biens nationaux.

     Si le bâtiment avait pu être terminé avec ses ailes s’étendant à gauche et à droite, composées chacune de douze maisons distinctes mais juxtaposées et reliées à  la galerie comme prévu, cela pour accueillir 24 chanoinesses avec leur personnel, l’ensemble en forme de U aux bras immenses, développant  plus de 450 mètres de façades sur la cour d’honneur ouverte sur la vallée de la Brévenne, aurait eu fière et noble allure. On y trouvait déjà, avant cet arrêt brutal, des noms d’abbesses prestigieuses comme Lucile de Chateaubriand, sœur de l’écrivain. Mme de Fenoyl, chanoinesse de Leignieux était alors aussi abbesse de l’Argentière. Elle émigrera en Suisse pour revenir chez sa sœur, Mme de Quinsonnas en Isère, où elle mourra en 1804.

      Après la Révolution, au cours de laquelle une grande partie des bâtiments sont détruits, le cardinal Fesch, oncle de Napoléon 1°, devenu en 1802/1803 archevêque de Lyon, décide de reprendre en 1804 les bâtiments restants non détruits pour en faire un Petit Séminaire de grande renommée. Celui de Roche dans la Loire est déplacé et prend possession des lieux comme les quelques élèves sur Saint-Galmier. On reconstruit des bâtiments et on fait venir l’élite des séminaristes régionaux voire nationaux, ainsi que les meilleurs professeurs. Le séminaire de l’Argentière devient « la chose » du cardinal Fesch et la priorité du diocèse. L’Argentière devient une référence en France. Il sélectionne un maximum d’élèves qui vont ensuite énettre le voeu d’aller au Grand Séminaire à Lyon. Il faut faire des prêtres pour remettre le pays en ordre!

        En 1804, il y a déjà 176 élèves dans un séminaire qui ressemble à un palais avec un cadre superbe. En 1809, tous les élèves de philosophie des autres établissements sont envoyés à l’Argentière.

      On peut lire beaucoup sur le fonctionnement  du Petit Séminaire de l’Argentière voulu par le Cardinal Fesch, dans un Travail de recherche de F. Marius Drevet, SC, dossier extrêmement intéressant et téléchargeable entre la page 18 où est admis en 1804 à l’Argentière le jeune André Coindre et la page 39 où il entre au Grand Séminaire de Lyon en 1809.

http://www.coindre.org/civac/biographies/2017-02-01%20Andre_Coindre_M_Drevet.doc

      Le nombre d’élèves dépasse vite les 350 et la réputation de l’établissement ne cesse d’augmenter. Lorsqu’on dépasse les 450 élèves vers 1825, il faut agrandir. Cela se fera jusqu’en 1875. La chapelle est notamment restaurée en 1863.

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      Nombreux sont les évêques et cardinaux,  mais aussi les poètes, écrivains et militaires de haut rang, qui sortent de l’établissement. C’est un prestige que d’avoir un enfant étudiant à l’Argentière. On peut signaler que Saint Jean-Pierre Néel.  de Sainte-Catherine-sous- Riverie, en est sorti. Il est mort en martyr en Chine.

        Le 9 décembre 1905 : La loi de séparation des biens de l’Église et l’État intervient et l’année suivante, le séminaire ferme définitivement.

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       Pendant 10 ans, il est abandonné pour devenir en 1916 un lieu d’hospitalité pour les réfugiés venus du Nord, où sont soignées environ 960 personnes.

         En 1925, les Hospices civils de Lyon louent le bâtiment et en font un asile pour infirmes et vieillards. L’hôpital du Vinatier y installe une annexe d’aliénés.

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      En 1942, c’est une nouvelle cessation d’activité avant de devenir un hôpital militaire en 1944-1945 où seront soignées environ 1000 personnes, dont de nombreux résistants inscrits sous de faux noms.

        L’Argentière devient un sanatorium après la seconde guerre mondiale.

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       En 1967, s’entame une reconversion avec spécialisation vers les traumatisés crâniens et un service de réadaptation pour grands brûlés un peu plus tard vers 1980.

       En 1985, le SIMOLY (Syndicat Intercommunautaire des Monts du Lyonnais) devient propriétaire du Centre Médical de l’Argentière.

       En 1999, le Centre reçoit l’agrément de 220 lits et places dont 10 places d’hospitalisation de jour.

   Actuellement, le Centre Médical de l’Argentière est un établissement privé à but non lucratif participant au service public hospitalier. Il appartient au Syndicat Intercommunal des Monts du Lyonnais et est géré par une association de gestion loi 1901 avec prise en charge d’environ  130 lits d’hospitalisation sur le site d’Aveize et concernant les atteintes neurologiques et motrices, les atteintes de l’appareil locomoteur, les brûlures graves.

Bibliographie

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Des visites sont souvent organisées par l’Office de Tourisme des Monts du Lyonnais, généralement avec Jean-Claude Voute, un spécialiste de l’histoire des Monts du Lyonnais.  On peut y voir aussi le cimetière dépendant de cette institution avec ses surprenantes tombes gravées de caractères cyrilliques, vestiges d’un passé guère explicable qui conserve quelques mystères pour lesquels les plus érudits des lecteurs sont les bienvenus pour apporter des explications.

On peut se renseigner à l’Office de Tourisme des Monts du Lyonnais à Saint-Martin-en-Haut ou Saint Symphorien-sur-Coise.