Le pont “Rocaille” sur le Rosson
Situé au cœur des bois de Lafay, ce pont enjambe le Rosson, petit ruisseau qui rejoint la Coise près de Saint Symphorien-sur-Coise. Ce pont est source de nombreuses interprétations sur l’origine de sa présence. Certains prétendent même que l’arche ainsi formée, l’a été par la force de la rivière au fil des millénaires.
Il faut dire que la région est toute imprégnée d’histoires et de pierres mystérieuses : l’ombre du château de Vaudragon (ancienne appellation de la vallée de la Coise « Vallis dragonis » du fait de ses nombreuses méandres) plane toujours dans cet endroit bucolique et rupestre.
Dans les faits, il s’agit d’un ouvrage humain comme en témoignent les nombreuses pierres liées au ciment. Ces formes bétonnées[1] d’apparence naturelle étaient très à la mode dans la 2° partie du 19° siècle avec l’apparition des nombreux ciments fabriqués notamment par Joseph Vicat, dont le prompt, les bétons armés et hydrofuges.
Cette réalisation artificielle a été confirmée par le propriétaire du château de Lafay. A la fin du XIX è siècle , Frank de Jerphanion, alors propriétaire, né d’ailleurs à Larajasse (Rhône) le 19-08-1844 et mort dans sa propriété le 23-11-1900, avait probablement souhaité faire de ses bois et vallée du Rosson, qui jouxtaient sa demeure, une sorte de jardin « resplendissant » pour s’y ressourcer entre ses activités politique de conseiller général du Rhône, celles d’ écrivain[2] et chercheur, membre de La Diana de Montbrison, heureux père de famille avec 8 enfants[3] nés de son union en 1873 avec Claire de Lyle Taulane (1850-1924) issue d’une famille de la noblesse varoise, ancien zouave pontifical, membre du Cercle de Lyon Syllabus (Place Bellecour).
C’est lui qui, chronologiquement, a très probablement créé ce pseudo- pont naturel qui est devenu aujourd’hui le but de nombreuses balades. Il était d’ailleurs primitivement délimité par une barrière faite de fers rivetés formant croisillons comme on peut le voir sur des cartes postales anciennes. Cette structure a été aujourd’hui enlevée et déposée sur le bord du chemin qui enjambe le Rosson.
Le Rosson, affluent de la Coise.
Cette rivière prend sa source au-dessus du château de Lafay sur L’Aubépin vers le hameau de Laudrière, forme l’étang artificiel de Lafay, traverse les bois du même nom et se jette dans la Coise presque en face de la Thenaudière, une maison forte dépendant aussi de Larajasse (du nom de jean et Antoine de la Thenaudière, propriétaires en 1411) ayant appartenu aussi notamment à la famille Charpin de Saint Symphorien-sur-Coise (alors-le-Château).
Le château de Lafay
Attachons nous au château de Lafay auquel est lié ce parc boisé naturel traversé par la rivière plus faut citée.
Situé au-dessous de la Croix des Séchères culminant à 924 mètres sur la commune de Larajasse, au nord et à peu de distance du Crêt Malherbes, point culminant à 946 mètres des monts du Lyonnais qui dépend de la commune de Marcenod dans la Loire, ce bâtiment rectangulaire flanqué de deux tours circulaires et précédé d’un jardin et d’une pièce d’eau correspond plus à une belle maison forte. Il est inscrit partiellement aux Monuments Historiques depuis 1982. La construction remonte à la fin du XIV siècle et é été notamment restaurée au XVII° puis au XIX° siècle.
Origine de propriété.
Au tout début, cette demeure de la Fay était possédée par une branche de la famille des Arod, qui avait fourni, en 1536 et 1537, un échevin à la ville de Lyon, Pierre Arod, seigneur de la Fay. Il avait épousé Marguerite Laurencin, fille de Claude Laurencin, baron de Riverie. Jacques Arod, son fils, meurt sans postérité. La seigneurie de La Fay passe par succession aux Manuel à la fin du XVI siècle. Elle est ensuite vendue en 1648 à Marguerite Michel, veuve de François Chappuis qui la donne à son fils François, deuxième du prénom, autre échevin lyonnais et conseiller du Roi. Il devient alors seigneur de la Fay et de l’Aubépin et plus tard, vers 1674, de Vaudragon. En 1780, les terres reviennent à Guillaume de Savaron qui se marie avec Clémence-Philippine Chappuis. Ce royaliste est fusillé à la fin du siège de Lyon en 1793, il était alors commandant d’un corps de soldats vétérans sous les ordres du général de Précy. Le mobilier de Larajasse est vendu. Son fils Gabriel, lui aussi impliqué dans la défense de la ville, comme colonel d’un corps des volontaires à cheval, réussit à s’enfuir en Suisse. Il en revient et récupère les bâtiments familiaux. A sa mort, en 1840, la Fay et Vaudragon reviennent à sa fille aînée, la comtesse Gabrièle Louise de Cholier de Cibeins (1811-1871), qui se marie à André Marie Jules de Jerphanion (1807-1894). Ils auront 7 enfants dont Jean Marie Victor (1843-1877), propriétaire du château de La Tourette à Eveux , Gabriel Marie Alban de Jerphanion (1835-1870), propriétaire du château de Sasselange à Veauchette et Louis Marie Frank dont il est fait mention plus haut et à l’origine probable de ce «théâtre de verdure» autour du château de Lafay.
Ces trois garçons «de Jerphanion» ont servi comme zouaves dans l’armée du pape Pie IX notamment à Mentana contre les troupes de Giuseppe Garibaldi. A la suite de Frank de Jerphanion (1844-1900), nous trouvons en toute probabilité Gabriel de Jerphanion (1874-1914), Guy de Jerphanion (1908-1989) puis Bruno de Jerphanion (1947), actuel propriétaire.
Faites un petit tour du côté de Larajasse en direction de Marcenod, vous croiserez l’étang de Lafay alimenté par le Rosson et d’où il poursuit son chemin vers les bois de Lafay puis rejoint la Coise. Vous trouverez bientôt sur votre droite le château (propriété privée). Vous prendrez à pied le chemin qui prend à droite et longe le mur de la propriété. En suivant ce chemin vous tomberez sur le pont qui enjambe le Rosson et la rocaille sur votre gauche.
Vous pouvez aussi prendre le chemin qui part sur votre gauche après la caserne des Sapeurs Pompiers de Larajasse. Vous arriverez au même endroit mais sans voir les extérieurs du château et l’étang.
Bonne promenade.
Et en prime,une promenade sur écran avec le lien ci-dessous:
IMAGES DU JARDIN RESPLENDISSANT DE LAFAY
Courte bibliographie utile
COCHARD, Nicolas-François : Notice historique et statistique du canton de St-Symphorien-le-Château, arrondissement de Lyon, département du Rhône (p. 204-205)
GRAS, L.-Pierre : Répertoire héraldique ou Armorial général du Forez (réed. de 1983, éd. Lafitte ; p. 9, 62, 237)
Archives historiques et statistiques du Département du Rhône, tome 5, 164, Barret à Lyon 1827
1 Né en France, l’art de la rocaille émerge une dizaine d’année après l’invention du ciment Portland en 1824. En 1849 Joseph Monier invente les armatures pour fixer le ciment. Les premiers travaux de rocailleur commencent et apparaissent à la foire de Paris en 1867, point de départ d’une mode vite internationale. Le savoir-faire français s’exporte alors dans le monde, (Angleterre, Etats-Unis, Mexique…) sous le nom de “French style”.L’art rocaille, rusticage ou grotesque, s’épanouit avec l’Art Nouveau (1890/ 1905). La représentation de la nature, sa caractéristique qui s’oppose à l’industrialisation galopante du moment, disparait avec l’arrivée de l’Art Déco géométrique.
2 Les Savaron en Auvergne et Lyonnais.Description matérielle : 1 vol.(131 p.). Description : Note : Société des bibliophiles lyonnaisÉdition : Lyon, A. Audin, 1948
3 http://gw.geneanet.org/favrejhas?lang=fr&p=franck&n=de+jerphanion&oc=0&type=tree