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Sanctuaire Notre Dame de La Salette près de Corps en Isère.(cliché Wikipédia-Szaroblekitny)

CHAPELLE DE LA PEUR

Et oui il y a aussi dans nos Monts du Lyonnais un sanctuaire érigé à la gloire de Notre Dame de La Salette, Réconciliatrice de tous les pêcheurs.

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Notre Dame de La Salette ou Chapelle de la peur (Chapella de la pou) de Coise

Les apparitions de la Vierge, mère de Jésus, Dieu fait homme, sont très nombreuses au sortir de la Révolution Française dans un 19° siècle français perturbé qui veut retrouver ses racines  alors que l’industrie apparait avec le charbon, l’acier, la vapeur en transformant le monde du travail. On sort d’une période de grand trouble sur le plan religieux à la suite de la Révolution. Ceci appelant peut-être cela, des phénomènes mystiques reconnus, absents de la scène sociale française depuis près de 200 ans (1) , réapparaissent. Ils vont se produire en France en 1830 avec Sainte Catherine Labouré, fille d’agriculteur, devenue sœur de la Charité, à l’origine du culte de la médaille miraculeuse. Puis ce seront les apparitions à Salette-Fallavaux en 1846 au-dessus de Corps en Isère avec Mélanie Calvat et Maximin Giraud, des petits pâtres à l’origine du culte de Notre de Dame de la Réconciliation dans un contexte, à mon avis, bien analysé par René Merle (2) et bien sûr celles de Lourdes en 1858 avec Sainte Bernadette Soubirous, une autre petite bergère à l’origine du culte de l’Immaculée Conception.

Toutes ces manifestations sont concomitantes d’un mouvement marial très fort en France à cette époque (La Vierge Marie constitue une différence fondamentale dans la croyance chrétienne entre catholiques et protestants); dès 1822, il y a eu, par exemple, la création de la Société de Marie par Marcellin Champagnat et Jean-Claude Colin, soutenus par Jean Marie Vianney, futur curé d’Ars, tous trois élèves à Verrières dans le Forez puis au grand séminaire de Lyon.

La Vierge de La Salette, porte-parole entre Ciel et Terre, donne des messages destinés à aider la population dans sa vie quotidienne en contrepartie d’une meilleure pratique religieuse et d’un respect plus grand de Dieu. Elle demande notamment que l’on cesse de travailler le dimanche, jour consacré au repos et à la prière.  

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Le village de Coise

A Coise, en 1870, c’est la création de la liste (3)  communale nommant  ceux qui devront partir sous les drapeaux car la guerre a éclaté entre Napoléon III, empereur de France et Guillaume, l’empereur de Prusse. La famille Dupuy fait le vœu à la Vierge Marie, Notre Dame de La Salette, Réconciliatrice des pécheurs, protectrice de toutes les peurs… (4), que si leur fils n’est pas tiré au sort, ne part pas au combat, elle fera construire une chapelle sur la haute colline de Chantegrillet qui domine le nouveau village de Coise transféré depuis deux décennies au Creux du Loup (5)  . Le vœu est exaucé et le jeune homme est ainsi épargné. Très vite la construction commence. La famille a acheté le terrain et les pierres.  Tous les habitants du village vont participer à l’édification (comme ils l’ont fait auparavant pour reconstruire leur ancienne église Saint Etienne sur le site actuel). Elle est terminée vers 1875 et est inaugurée par une foule immense de fidèles venus de toute la région. Le propriétaire fait ensuite don à la commune de l’édifice et du terrain. Le sanctuaire prend tout de suite le nom de Chapelle de la peur ou de la « pou » en patois local et très vite on organise des pèlerinages, notamment le 19 septembre, jour de l’apparition à La Salette (6). On vient y prier pour les gens atteints de frayeurs graves et persistantes, pour les terreurs nocturnes des enfants mais on y vient aussi pour y dissiper les craintes de la maladie, des difformités, des troubles de la marche infantile en concurrence avec le sanctuaire tout proche de Saint-Apollinaire sur Larajasse-l’Aubépin…Et oui, il y a beaucoup d’autres petits sanctuaires dans la région. Nous en reparlerons.

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Chapelle de la peur et son calvaire

Le bâtiment mesure près de 10 mètres de long sur 6 de large. Il est curieusement orienté à l’inverse des recommandations en art sacré traditionnel avec un chœur regardant l’ouest . Les murs sont constitués de pierres locales (granit rose beige). On est au sommet de la colline de Chantegrillet à 655 mètres et on a un panorama très étendu sur le bassin de la Coise et les Monts du Lyonnais d’un côté, sur les monts du Forez de l’autre. On peut repérer d’innombrables clochers et villages, de très nombreux châteaux dont celui de Pluvy, de Saconay ou de Lafay notamment.

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Les clochers de Saint symphorien, Coise, Chazelles, Pomeys, Châtelus, L’Aubépin…….et beaucoup d’autres.

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Château de Pluvy, de Saconay, de Lafay, de Châtelus

L’entrée de la chapelle se fait par une porte à double vantail surmontée d’un tympan sculpté comportant la Vierge de La Salette assise et en pleurs. 

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Notre Dame de la Salette en pleurs

Dans l’église on peut admirer une «Notre Dame de La Salette» trônant dans le chœur un peu au-dessus de Mélanie et Maximin. Ils sont surveillés par Saint Simon, Saint Jean, Saint Antoine et Saint Pierre. Quatre vitraux et une rosace éclairent cet intérieur sans autre particularité.

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Intérieur de la chapelle

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Notre Dame de La Salette, Mélanie et Maximin. 4 saints les regardent

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Légende au sommet de l’édifice, bas relief de l’autel, rosace et date de construction

En sortant on remarquera sur la façade d’entrée et à son sommet une inscription latine qui informe le pèlerin que cette église a été édifiée par tous les habitants du village.
“HOC ORATORIUM AEDIFICARUNT MARIAE” ou “Ils ont construit cet oratoire pour Marie”

Ensuite, il faut promener autour de l’église où de nombreux panneaux illustrés expliquent l’histoire de la chapelle, du village et de la région. La Coise et son bassin y sont expliqués.

Cette excellente promenade (n’oubliez pas les jumelles de vue) peut se terminer en allant se promener dans Coise puis en retournant sur Saint Symphorien ou en repartant  vers Saint Denis sur Coise et Chevrières par une petite route tombant sur Pont Français. Mais le joli village de Châtelus n’est pas non plus très loin à moitié caché dans son îlot de verdure, bien repéré par le donjon de son château. On peut aussi partir à la découverte des 24 croix qui sont disséminées sur la commune!

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Les villages alentour

Ces Monts du Lyonnais sont passionnants.  Les visiter et les raconter ? On ne s’en lasse pas.

A une prochaine visite.

(1)  A partir de 1664, Benoîte Rencurel, une bergère décrit des apparitions de la Vierge Marie. Elles vont durer 54 ans à Notre-Dame du Laus dans le diocèse de Gap. Ces phénomènes sont reconnues officiellement authentiques  depuis 2008. Benoîte Rencurel a été reconnue « vénérable » par le pape Benoît XVI en 2009.
(2)Les deux enfants rencontrent “une Dame, d’assez haute taille, vêtue de blanc, portant une croix éblouissante sur la poitrine, et resplendissante elle-même d’un vif éclat. /…/ La peur les empêchant d’avancer, elle s’est levée et les a invités à s’approcher sans crainte. Quand ils ont été tout près, et en face de cette dame, ils ont entendu sortir de sa bouche des paroles étonnantes. Son Fils est irrité, il veut écraser les hommes, elle ne peut plus soutenir son bras. Ce qui provoque sa colère au suprême degré, ce sont : les travaux du dimanche, l’éloignement, la désertion des églises de la part des hommes, les blasphèmes qui s’entendent sur les grandes routes, la négligence, l’abandon de la prière. L’année dernière les hommes ont été avertis par la maladie de la pomme de terre, ils n’en ont pas fait cas. Cette année sera plus mauvaise encore, et s’il n’y a pas retour vers Dieu, l’année prochaine il y aura une famine horrible. Ordre formel de la part de cette Dame à ces deux enfants de faire savoir tout cela à tout son peuple. Après quoi elle s’est éloignée de quelques pas, s’est élevée de terre, et a disparue à leurs yeux étonnés”. Le message rejoint directement les préoccupations des habitants de La Salette et de de Corps. L’année a été très dure pour ces populations montagnardes : récoltes de blé insuffisantes, maladie de la pomme de terre. (Cf. Philippe Vigier, La Seconde République dans la région alpine, Paris, P.U.U.F, 1963). La mortalité augmente, particulièrement la mortalité infantile. On craint, à juste raison, l’hiver qui s’annonce. Mélin a prêché une semaine avant l’apparition, dans une chapelle entre Corps et la Salette, pour que les prières des paroissiens protègent les récoltes (Stern, op.cit.t.I, p 33-34). Le message rejoint aussi les préoccupations de l’abbé Mélin, qui n’a cessé de dénoncer l’impiété, l’irrespect manifestés par la majorité de ses concitoyens. Dénonciations soutenues par les religieuses-enseignantes de la Providence, et par l’influente archiconfrérie du Saint et immaculé cœur de Marie pour la conversion des pécheurs. Il existe donc à Corps, face aux ouailles défaillantes, et aux protestants majoritaires dans le canton de Mens, de l’autre côté du Drac, un mouvement marial que le message ne peut que combler. Voir en complément de cette transcription l’article complet de René Merle.
(3)  Louis XVIII a abolit le service militaire mais établit un recrutement par engagement et tirage au sort avec un service qui dure 6 ans. Les appelés sont tirés au sort dans les communes qui doivent fournir un minimum d’appelés dont le nombre est en rapport avec celui de la population  mais ils peuvent se faire remplacer par un autre moyennant une compensation financière.  A partir de 1855, on peut aussi verser une taxe à la Caisse de dotation de l’armée qui est reversée à des soldats volontaires déjà aguerris, ce qui évite au désigné de partir s’il peut payer.
(4)  N’avait-elle pas dit aux enfants de La Salette : « N’ayez pas peur… »
(5) Le nouveau village de Coise fait suite à une ancienne commune déplacée en 1824. Elle se trouvait alors sur l’autre rive de la Coise par rapport au village d’aujourd’hui.  Pour s’y rendre, on prend une route à gauche entre Saint Symphorien et Sainte Catherine au niveau du Moulin Fulchiron. Ce vieux village n’a plus de restes, sinon une croix du XVII° siècle. Il s’appelait Saint Etienne de Coise. Il est aujourd’hui occupé par des maisons de construction récente.
(6) Notre-Dame de La Salette est fêtée le 19 septembre. On célèbre la mission de la Vierge Marie, Réconciliatrice des pécheurs apparue ce jour-là sur la montagne de La Salette.

PS L’ensemble des photos, moins celle de l’église de La Salette, provient de prises de vues personnelles sur site.

Des aquarelles de Jean-Paul Ravachol intéressant la Chapelle de la Peur sont visibles avec ce lien