Curé de Chazelles-sur-Lyon pendant près de 30 ans, il a profondément modifié la cité.
Résumé avec des notes personnelles d’une biographie (*) sur l’Abbé Jacques Planchet.
Jacques Planchet nait le 18 novembre 1869 à la veille d’une guerre éprouvante pour sa Patrie. Il est issu d’une famille d’agriculteurs de Chazeau près de Firminy dans la Loire. La ferme familiale était installée dans un ancien couvent de Clarisses fondé en 1332 [1]. II persistait encore, en ce 19° siècle, la chapelle du couvent, un lieu de pèlerinage où l’on amenait les enfants qui avaient des retards dans la marche. Son oncle était prêtre dans le Pilat. Son enfance est entourée de processions et notamment celle de la Fête-Dieu. Ainé de la famille, il se destine à reprendre plus tard la ferme familiale mais le sort en décide autrement et le curé Moiroud, de la paroisse, vient offrir aux parents de Jacques une pension de 300 francs annuels pour que leur fils devienne séminariste. C’est un peu contre l’avis des parents mais avec l’accord de l’enfant que l’affaire est conclue et que ce dernier commence à apprendre le latin. Cela lui permet de rentrer au séminaire de Verrières, au-dessus de Montbrison, à 15 ans en 1884. Il y restera 5 ans. En 1889, il rentre au séminaire de philosophie d’Alix dans le Rhône puis accomplit son service militaire d’un an en garnison à Saint-Etienne près de sa famille.
À la sortie de la caserne, il rentre au grand séminaire de Fourvière à Lyon. Il reçoit la « tonsure » en 1892. Il est nommé diacre en 1894 de retour à Verrières. Toutes ces années passées à étudier ne l’empêchent pas de venir aider ses parents à la ferme dès qu’il a quelques jours de repos. Cette jeunesse faite d’une décennie d’études est aussi jalonnée par une succession de poussées d’affection pulmonaire qui le fragilisent mais sans entamer sa force de travail.
Aussitôt après l’ordination sacerdotale en 1895, il est envoyé à Saint Bonnet des Quarts vers Ambierle au nord de Roanne. Il y reste 3 ans et enseigne le latin, apprend la musique et le chant. En 1898 il est nommé vicaire à Montbrison dans la grande paroisse de Notre-Dame. L’église est immense et le vicaire n’a pas la voix suffisante pour remplir de ses chants le chœur du bâtiment quand le pupitre de l’orgue est vide. Il crée donc une chorale en commençant avec un cercle de jeunes recrutés à l’école libre qu’il accompagne à l’harmonium derrière le maitre-autel. Il monte une petite troupe d’acteurs parmi les membres du Cercle Paroissial qu’il fait jouer à la salle des fêtes Saint-Pierre qu’il a aidé à construire. Celle-ci devient vite incontournable dans la vie culturelle montbrisonnaise. Il devient aussi journaliste et écrit un bulletin paroissial hebdomadaire, La Bonne Presse, qu’il diffuse avec Le Pèlerin et La Croix dans une période où de nombreuses mesures persécutrices contre le clergé s’installent après la Loi de Séparation de l’Église et de l’État condamnée par Pie X. Il s’oppose à Zola qui dénigre Lourdes et ses miracles, aux scandales cléricaux que l’on invente chaque jour et pour donner le l’attrait à son journal il donne place aux histoires locales. Le petit journal est vite réclamé dans la région. Il anime aussi des Cercles d’études historiques, économiques et sociales où les adhérents eux-mêmes traitent les sujets en public. Ses Cercles sont vite réclamés dans le département. Il rencontre ainsi Antoine Vacher à Saint-Galmier qui vient de lancer maisons et jardins ouvriers et répand ses idées à travers son nouveau syndicat chrétien.
En 1911 un don de terrain et d’une maison située à Savigneux par le père Faure, mariste, est l’occasion pour l’Archiprêtre de Montbrison de faire renaitre la paroisse de Savigneux disparue depuis 1793. Jacques Planchet en est chargé. Il vient s’installer au village et participe à l’élaboration des plans et à la construction d’une grande église voulue pour une paroisse destinée à beaucoup grandir. Très vite les fonds recueillis s’avèrent insuffisants et il faut réduire la voilure. Le mobilier est acheté à Verrières dont le petit séminaire est en démolition ou à l’église Saint François Régis de Saint Etienne. Tout ceci est complété par des dons multiples et l’église peut ouvrir en 1912 avec un harmonium et des chorales d’hommes et de femmes. En dehors des horaires de culte, l’église provisoire est transformée en salle de réunion et de spectacle car les activités culturelles ont été reprises comme à Montbrison.
En 1914, Jacques Planchet fait sonner le tocsin et est ensuite mobilisé comme tous les hommes pour la grande guerre. Il est dégagé des obligations militaires en septembre 1917 et revient à Savigneux. Il faut tout recommencer sans découragement car tout ou presque a disparu en dehors d’une église dont les finitions ont été interrompues. Pendant les 5 ans qui le séparent de sa nomination à Chazelles-sur-Lyon, il n’aura de cesse de tout faire pour éponger les dettes de la construction mais aussi reformer les cercles culturels.
Le fondateur bâtisseur de Savigneux arrive donc en 1922 à Chazelles-sur-Lyon bien certain qu’il pourra enfin se consacrer à sa seule activité pastorale. Il tombe dans une ville ouvrière totalement divisée où même les pratiquants sont divisés entre clan des jeunes et des vieux. Les derniers ne veulent pas entendre parler de sport ou de cercle culturel pour les jeunes au sein des activités paroissiales tandis que les premiers y ont pris goût et ont créé des associations notamment celle des Anciens Élèves des Frères ou la Chorale. Le passé du prêtre s’impose vite et le changement radical d’orientation en faveur des prétentions des jeunes fait que la Vaillante, la Chorale et les activités sportives peuvent reprendre leurs activités au sein du stade paroissial. Entouré d’un noyau de bonnes volontés largement pacifistes, il se consacre aussi très vite à l’amélioration du lieu de culte qu’il trouve dans un état pitoyable avec des vitraux abimés laissant l’église aux courants d’air, une toiture en mauvais état, un éclairage au gaz défectueux.
Pour s’entourer du maximum de paroissiens, il réintroduit la procession de la Fête-Dieu disparue à Chazelles depuis la fin du 19° siècle, plus ou moins interdite par la municipalité Ferrier. Il a retrouvé les bannières, le dais, les encensoirs et les flambeaux. Il associe les enfants à la cérémonie et les bénissant un par un. Elle se déroule au terrain paroissial de la route de Saint-Galmier. Cela marche tout de suite.
Il introduit à Chazelles en décembre 1922 avec Eugène Provot, alsacien de Wasselone, alors maire, des sœurs garde-malades. Ces deux responsables les font venir de Niederbronn en Alsace où la famille Provot a des attaches. Désormais la ville peut rivaliser avec Sainte Foy, Montbrison ou Saint-Galmier : les grands malades peuvent être désormais soignés et visités. La fille du maire Marie-Joséphine Quinson n’est pas non plus étrangère à leur venue : elle va les chercher en Alsace. Elle n’arrêtera pas là d’ailleurs ses activités pour la paroisse, on le verra plus tard.
Dès son arrivée il lance aussi un projet de construction d’une Maison d’œuvres parallèlement à l’existence du Théâtre Municipal, ce qui lui vaut bien sur une certaine opposition. On veut lui imposer plutôt la construction d’une nouvelle école libre. Le prêtre n’en démord pas, se fixe sur ses projets paroissiaux culturels réussis à Savigneux ou Montbrison et prétend qu’une telle salle est le moyen le plus sûr pour pouvoir construire ensuite une école avec le produit des spectacles. Les travaux sont commencés en 1923 et terminés en 1925. La Maison d’œuvres est inaugurée par le cardinal Maurin et dès les premières années les habitants viennent assister aux grandes séances théâtrales à thèmes religieux préparées par les abbés Thoral et Reymondier ou Chanfray : Mystères de Lourdes en 1926 ou Mystères de Noël en 1930 ou Notre Dame de la Mouyse un peu plus tard.
En effet les bénéfices engrangés avec les représentations répétées payent les dépenses de la construction, celles des autres salles paroissiale et une nouvelle école libre ouverte en 1928. Celle-ci va être construite sur un terrain proche de la Maison d’œuvres. Jacques Planchet a en effet acheté en viager en 1923 à Madame Bonnet, veuve, un clos avec maison attenant à l’emplacement de la statue de la Vierge érigée en 1909 sur la route de Saint-Galmier.
À la mort de la propriétaire, en 1927, la construction de l’école commence sur une partie du terrain, le reste dont la maison ayant été vendu avec une belle plus-value. Les bénévoles, l’Association paroissiale et de nombreux habitants de la commune vont venir participer aux travaux de construction en dehors de leurs heures de travail. Cinq classes sont inaugurées en 1928. Les Frères maristes sont descendus de la rue du Cimetière et occupent des locaux tout neufs avec chauffage central, logements de maitres et vaste cour de récréation. En plus du travail des Chazellois, la multiplication des kermesses, tombolas et représentations diverses a permis au curé de gagner son pari. Le cardinal Maurin revient à Chazelles bénir l’école. À peine ouverte d’ailleurs, celle-ci est déjà trop petite et il faut envisager rapidement son agrandissement avec 4 nouvelles classes et 12 professeurs supplémentaires. Ce sera réalisé au cours de la 2° guerre mondiale entre 1940 et 41. L’école libre à Chazelles a alors 540 élèves, filles et garçons confondus. En effet c’est aussi sous son impulsion que l’école des filles s’est améliorée, transformée et agrandie par étapes successives en 1927, 1929, 1931 et 1934.
Dans le même temps disparaissent petit à petit les sœurs Saint Charles aux commandes depuis le milieu du 19° siècle. Elles n’étaient plus que 2 en 1948 dont sœur Lucie et Céline. Ce sont trois religieuses de la Congrégation des Petites Sœurs de la Sainte Enfance qui viennent en remplacement à l’école à partir de 1949. Les sœurs Saint Charles gardent cependant leurs activités hospitalières.
Il n’a pas oublié pendant tout ce temps de réhabiliter l’église après les multiples réparations urgentes. Il en assure la restauration avec la création d’une tribune en ciment armé, la réparation des vitraux du chœur, la pose de 7 autres vitraux dans les petites nefs, réfection des chaises et bancs, des portes d’entrée par l’ébéniste Juillet, des ferrures de porte par le lycée La Mâche à Lyon. C’est Monseigneur Delay en 1929 qui bénit l’église restaurée. En 1931 le pupitre des orgues de la Maison Merklin-Kuhn est ouvert et tenu par Mr Henri Ferlay. Les cloches sont électrifiées en 1936 et des salles de catéchismes sont ouvertes au-dessus du bâtiment qu’occupe au rez-de-chaussée la sacristie, un morceau d’une aile de l’ancien château. C’est au cours de cette restauration que l’on retrouvera une vierge en bois cachée dans le plafond. Elle siège aujourd’hui dans l’église
Comme il est arrivé dans une paroisse presque oubliée, il lui faut aussi songer à vivre dans un endroit salubre. Or le clergé vit dans un vieux bâtiment sur la grande rue, depuis que le maire Jules Ferrier a repris le presbytère au curé en 1906 pour en faire sa Mairie. La maison vétuste de la nouvelle cure proposée alors aux prêtres appartient aux sœurs Saint-Charles qui y avaient antérieurement placé leur communauté et quelques classes enfantines. Les réparations effectuées par Jacques Planchet ne suffisent pourtant plus à assurer un confort minimal. Par chance, c’est encore Madame Marie-Joséphine Quinson, fille d’Eugène Provot, qui vient au secours du clergé. Respectant les recommandations de sa mère, qui bien plus tôt avant de mourir avait proposé d’offrir sa maison aux curés au cas où cela serait nécessaire, elle offre le 7 de la rue de Lyon à la Société Civile Paroissiale où les prêtres s’installent en 1933.
Jacques Planchet, ce bâtisseur de premier ordre, est aussi un homme tourné vers le social et comme à Montbrison ou Savigneux, il va laisser à Chazelles de nombreuses réalisations.
Il ouvre un bureau cantonal d’assurances sociales sur la place de l’Eglise (dans la maison de la l’ancienne mairie, aujourd’hui le crédit Agricole) en 1928 avec Victor Berne et Mlle Antoinette Lafay, repris en 1929 par l’État qui vient d’organiser la Sécurité Sociale. C’est dans ce bureau que la Mutualité Sociale Agricole s’établit ensuite.
Il préside à l’Union Jeanne d’Arc dès 1922, crée le patronage de garçons en 1923 puis celui des filles. Il organise des garderies pour filles dès 1926 dans l’arrière-cour de la cure sur la rue de Lyon. Il participe à la fondation de la JOC en 1929, de la JOCF en 1930, de la JAC et la JACF en 1933 notamment.
Né à la veille de la guerre de 1870, acteur au cours de la première guerre mondiale, il l’est aussi pendant la seconde. Il a fait venir à Chazelles en juin 1939 la vierge de Valfleury[2] pour qu’elle protège la ville avant de descende à Lyon rejoindre d’autres Madones du diocèse à la Primatiale Saint-Jean puis dans l’église de Saint-Bonaventure pour le grand congrès religieux dédié à Marie qui va s’ouvrir dans la capitale mariale un mois plus tard. La Maison d’œuvres est envahie par les fidèles et la Madone est promenée dans toute la ville avec une retraite aux flambeaux. Trois mois plus tard c’est la déclaration de guerre qui prend de plein fouet ses paroissiens. Elle durera 4 ans. Pendant ces années noires Jacques Planchet n’a cessé de penser que la Vierge avait protégé Chazelles. Il avait encore organisé une grande cérémonie avec la venue en 1943 de Notre-Dame de Boulogne, selon les recommandations du pape Pie XII[3]. La ville a été épargnée par les bombardements, oubliée par l’armée allemande qui y avait pourtant établi une grande base militaire, gâtée par le sort généralement réservé à ses habitants prisonnier puisque sur les 273 retenus 271 revinrent.
C’est sous son ministère que ses vicaires, les abbés Béal et surtout Louis Labrosse (fondateur de la colonie du Plagnal, fût plus tard curé de l’Immaculée Conception à Villeurbanne) avec Ferdinand Mirabel, ardent animateur de la CFTC, vont accompagner les mouvements de résistance qui s’installent dans la région dès la fin de 1940. Ils vont assurer notamment la diffusion de journaux comme Témoignage Chrétien opposé au régime de Vichy en relation avec l’abbé Robert Ploton, curé de La Nativité à Saint-Etienne, résistant arrêté et déporté en 1943.
L’activité pastorale de Jacques Planchet aura duré 28 ans à Chazelles car il donne sa démission en 1950 et se retire à 80 ans gardant une fonction d’aumônier à l’hôpital local. Il avait été nommé Archiprêtre et Chanoine en 1928, distinction honoraire qui s’accompagne de remerciements à la paroisse qu’il gère. Elle avait été précédemment accordée à l’abbé Galland, un autre grand curé de la ville.
(*) «Un prêtre de paroisse, l’Abbé Jacques Planchet» par le Chanoine J. Escot, Imprim. Malmenaide 1960, 38p.,
Remerciement à Richard Montagny de Chazelles-sur-Lyon pour le prêt du document, à Alice Berne pour certaines photos.
[1] Le monastère de Chazeau avait été fondé le 19 septembre 1332 par Luce de Beaudiner qui y établit des Clarisses. Ce couvent se rattacha à l’ordre de Saint-Benoît au début du XVIe siècle, et autorisé par le consulat du 30 août 1622 se transféra à Lyon le 8 avril 1623. Il prit le titre d’abbaye royale en 1629. En 1743, les bénédictines de l’abbaye de Chazeau étaient installées à Lyon, paroisse de Sainte-Croix.
[2] Vers l’an 800, des bergers conduisent leurs troupeaux vers une source dans la montagne où se trouve aujourd’hui Valfleury. C’est l’hiver et au milieu de la neige ils trouvent un genêt en fleurs et découvrent une statue de la Sainte Vierge, tenant sur ses genoux l’Enfant-Dieu. Averti par eux, un prêtre vient chercher cette statue et l’apporte dans son église. Mais le lendemain, le vierge a repris sa place de la veille dans le genêt. On y bâtit donc une chapelle. Ainsi commence le pèlerinage de Valfleury.
La statue de la Vierge au genêt existe encore. Faites d’une seule pièce, d’un bois très dur, noirci par le temps, elle mesure 68 centimètres de hauteur et repose sur un siège, avec l’Enfant dans ses bras. Le dos en est creusé d’une cavité qui contint des reliques, celles sans doute que l’on conserve dans l’église de Valfleury.
[3] Du 28 mars 1943 au 29 août 1948, quatre reproductions de la statue de la Vierge dans un bateau fixé sur un char sillonnent la France. À la signification spirituelle du « grand retour » de la Vierge à son port d’attache de Boulogne sur mer depuis Lourdes s’ajoutera la demande du retour de la paix, des prisonniers et déportés. Les villages traversés organisent de grandes manifestations