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Couverture du livre de Clément Fereyre (Photo P.Mathieu)

Préambule.

L’auteur a été l’un des membres de ce G.M.O “Liberté”, fraction de l’Armée Secrète de la Loire. Il retrace la création de ce groupe de résistants par Adrien Monier, marchand de poil dans la “capitale du chapeau”, Chazelles-sur-Lyon, ainsi que leurs actions dans la région. Les “Chapeliers” participent largement aux combats de la libération du pays. On les retrouve à Estivareilles contre les redoutables Tatars, dans la région de Mornant, aux 7 Chemins, au col de Larche, etc…

L’installation d’une puissante station de radars à la Quinardière près de Chazelles en direction de Chevrières entrainant l’arrivée d’une garnison de l’armée allemande et le destin mettent en rapport trois personnages hors du commun : Francis Cammaerts, Major Anglais du S.O.E., Adrien Monier dit “Rodolphe”, un “Chapelier” peintre et poète à ses heures, révélé redoutable chef de guerre, et Wolfgang Reiff le commandant de la base allemande. Cela pourrait faire la trame d’un bon roman d’action mais Clément Fereyre écrit la réalité et retrace tous les faits qui se sont effectivement déroulés. L’auteur, qui nous transmet ses souvenirs s’est aussi appuyé sur un important travail de recherche très difficile à mener quand on sait qu’il s’agit de faits de guerre qui n’avaient que quelques décennies de recul lors de l’impression en 1988, même si la loi de 1979 avait abaissé de 50 à 30 ans l’accès aux archives de l’époque. Agnès Fereyre nous raconte dans son article toute la démarche de son père.

Pierre Mathieu.

Témoignage de Georges GRATALOUP.

Ce livre a eu beaucoup de chance d’exister.

En effet le capitaine Rodolphe ne voulait pas accepter l’engagement de Clément Fereyre, le jugeant trop jeune.

J’étais alors intendant du groupe GMO LIBERTE, et j’ai insisté pour l’accueillir, connaissant bien Clément. Comme en témoigne cette dédicace de Clément Fereyre sur l’édition de mon exemplaire de 1988 :

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Photo dédicace du livre de G. Grataloup. (crédit photo Georges Grataloup=

“Sans ton intervention spontanée mon cher “GEO” un certain matin d’Août ; il est fort probable que ce livre n’aurait jamais vu le jour. Avec toute ma chaleureuse amitié à Claudia et à toi”. Clément.

Je suis heureux d’avoir participé indirectement à la naissance de ce témoignage retraçant notre engagement dans la Résistance, sous la responsabilité de l’armée secrète de la LOIRE du commandant MARAY.

Le GMO Liberté a été constitué par Adrien Monier, peintre, poète, représentant en poil de lapin (chapellerie) local, avec un groupe de Chazellois ayant compté jusqu’à 120 hommes.

Le livre “Les Chapeliers de Rodolphe” témoigne de leurs actions dans un ancrage humain très fidèle au quotidien des Chazellois dans ce contexte particulier.

Georges GRATALOUP

Les recherches de Clément Fereyre, auteur du livre “les Chapeliers de Rodolphe”

 Témoignage d’Agnès Fereyre (sa fille)

En septembre 2014, à l’occasion du 70° anniversaire de la Libération , eut lieu à Chazelles, à l’initiative de Georges Grataloup et de Paul Bruyère [1] une exposition très intéressante sur le GMO Liberté, regroupant documents et objets prêtés pour l’occasion par des particuliers ou le musée d’Histoire du 20° siècle d’Estivareilles.

Lors de cet évènement, plusieurs enfants de résistants du GMO me réclamèrent avec insistance une réédition des “Chapeliers de Rodolphe”, épuisé depuis longtemps. Ils voulaient à leur tour transmettre à leurs enfants et petits enfants ce témoignage sur la vie chazelloise à l’époque de la guerre, et sur l’engagement dans la résistance de leurs pères, à présent décédés.

Mon frère et moi prîmes donc la décision, pour eux, de rééditer l’ouvrage.

Il nous parut immédiatement nécessaire d’y ajouter des éléments d’actualisation, 1988 étant l’année du dernier tirage et malheureusement celle aussi du décès de notre père Clément Fereyre.

Dans cet objectif je relus avec attention les annexes du livre et les documents papiers précieusement concervés par mon frère. J’ai réalisé alors l’énorme travail de recherche accompli par mon père au tout début des années soixante dix, en un temps où n’existaient ni les ordinateurs, ni les téléphones portables, ni internet. Un classeur complet témoigne des courriers échangés avec différents services en France, mais aussi en Angleterre et en Allemagne, courriers menant à des impasses, à des fins de non recevoir, et finissant cependant parfois par aboutir ainsi que le démontrent les trois exemples suivants, les plus représentatifs :

Les recherches, côté anglais, permirent (contre l’avis du comité d’Histoire de la 2eme guerre mondiale) de remonter la piste du réseau Buckmaster, dont dépendait le GMO Liberté, et de retrouver le major Francis Cammaerts (alias “Roger”, le “plus célèbre agent SOE de la seconde guerre mondiale”), qui organisait les parachutages pour le réseau Buckmaster dans 9 départements du Sud-Est, donc pour le GMO Liberté. Cammaerts qui prit ensuite plaisir à venir à Chazelles, au grand jour et non plus clandestinement comme pendant la guerre, et à y rencontrer les anciens du GMO avec qui il noua de vrais liens d’amitié (voir photo du 31 juillet 1975, Chazelles, restaurant de la Gimond). La BBC vint même tourner à Chazelles certains plans du documentaire “SOE in France”, où figurent plusieurs anciens du GMO.

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En bordure à droite Clément FEREYRE. À gauche Claudia et Georges GRATALOUP. Debout penché en avant le major Francis CAMMMAERTS. Au centre regardant Cammaert Alain ROUSSET, neveu de Clément Fereyre, président de la Région NOUVELLE AQUITAINE. Photo crédit Georges GRATALOUP: 31 juillet 1975

Les recherches, côté allemand, permirent de retrouver la trace de l’Oberleutnant Reiff, responsable des bases radars allemandes proches de Chazelles. Mon père apprit, grâce à des échanges de courrier avec divers services allemands, les conditions de la poursuite de la guerre pour Reiff, et celles de sa mort. Il put prendre contact avec Mme Reiff. Une relation de confiance s’établit et Mme Reiff accepta même de venir à Chazelles sur les ruines des bases radars. Elle confia alors à mon père un document très intéressant, de mon point de vue, pour l’histoire de Chazelles: une lettre de son mari à un camarade, lettre dans laquelle il raconte de façon particulièrement détaillée les mois de juillet et aout 44, côté allemand donc (Cette très longue lettre figure in extenso en annexe du livre).

Enfin un troisième exemple, de mon point de vue, le plus représentatif de l’état d’esprit qui animait mon père à la fin des années soixante, à savoir celui de l’amitié entre les peuples, de la réconciliation franco-allemande . Cette recherche, la toute première, aboutit à l’identification des soldats allemands tués par le GMO Liberté lors d’un engagement à Yzeron et à la localisation de leur tombe (au cimetière de Dagneux , dans l’Ain) . Voici un extrait de la lettre adressée par mon père au colonel allemand Karl Hoffmann en 1974 (colonel grâce auquel d’ailleurs il put remonter la piste de l’Oberleutnant Reiff) :

Lyon, le 15 octobre 1974,

“Si je me suis occupé des tués de la 15ème K, c’est que leur exécution en août 1944 m’avait vraiment bouleversé. Je faisais partie du groupe de l’embuscade d’Yzeron et c’est à moi que les survivants des camions se rendirent après avoir subi des assauts à la grenade, parce que je parlais un peu l’anglais et les avais dans cette langue abjuré de cesser le feu. Je pensais sincèrement que nous pourrions les échanger contre des prisonniers à nous. Le chef départemental de la Résistance, le Ct Marey ordonna malgré nos protestations l’ exécution. J’avais 18 ans à l’époque et m’étais enrôlé chez Rodolphe en compagnie de 5 camarades, scouts, comme moi , contre la volonté de mon père, un ancien de 14-18, qui m’avait toujours élevé dans la haine de la guerre. J’ai su ce soir là combien il avait raison! Par patriotisme je continuais cependant le combat jusqu’à la Libération ….La paix revenue il était de mon devoir d’identifier les malheureux soldats d’Yzeron, d’où mes contacts avec la Croix Rouge, le Wolksbund et le Wast….”

L’édition 1988 du livre, peu avant le décès de mon père, s’achève, en annexe, par une dernière recherche, concernant les équipages de bombardiers américains, les “CarpetBaggers” , et particulièrement bien sûr celui qui se crasha à Duerne. La photo du seul survivant (JW. Gillikin) figure en dernière page et mon père imagine des retrouvailles ( il l’avait assisté, dans son anglais approximatif, lors de son évacuation, en camion, grièvement brûlé, au milieu des cadavres des autres membres d’équipage). Ces retrouvailles auront effectivement lieu, en 1993, et mon père ne les verra pas…. dans la réédition 2015 des Chapeliers de Rodolphe figure donc en annexe l’extrait du journal “le Progrès” retraçant ces retrouvailles émouvantes, près de 50 ans après l’accident.

C’est en février 2015 que nous avons donc eu le plaisir de venir à Chazelles pour la remise des exemplaires de la nouvelle édition des “Chapeliers de Rodolphe” aux enfants des anciens du GMO Liberté et à nombre d’autres personnes intéressées. Ce moment a été particulièrement fort, car nous ne nous attendions pas à un tel succès, à une telle file d’attente pour recueillir la dédicace de Georges Grataloup, dernier du GMO ! Nous avons ainsi pris la mesure de l’intérêt porté à cette histoire familiale et locale autant que “Grande Histoire” , et nombreuses étaient les personnes présentes qui, enfants à l’époque de la guerre, avaient des anecdotes à raconter sur le “Maquis” ou sur la “Quinardière”.

Pour retrouver objets et documents témoins de ces temps troublés, vous pouvez visiter le:

“Musée d’histoire du 20ème siècle d’Estivareilles”

Rue du Couvent, 42380 Estivareilles 04 77 50 29 20 ( salle d’honneur de l’Armée Secrète de la Loire, collection d’objets historiques réunis par les anciens résistants dès la création de la première version du musée, en 1984, et enrichie depuis, visioguides avec témoignages d’anciens résistants )

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Retrouvailles pour la réédition de 2015. Photo février 2015. Agnès Moulin.

Si vous êtes intéressés par un exemplaire des Chapeliers de Rodolphe, réédition 2015, merci de me contacter à cette adresse : leschapeliersderodolphe@gmail.com

Agnès FEREYRE.

[1]Paul Bruyère, ancien du GMO Liberté, est malheureusement décédé au moment même de cette exposition.