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Il n’est que 8 heures du matin et les places deviennent chères!

Pour la fête de la batteuse, on commence par la soupe aux choux de bon matin!

C’était en effet la tradition autrefois de commencer la journée du battage  par ce repas au lever du jour. Cette activité agricole tardive, en aout ou septembre, qui suivait de quelques semaines la mise en grange des récoltes, consistait à séparer le grain de céréale de la paille. On utilisait le fléau manuel et le van dans les Monts du Lyonnais pour le battage et le triage des grains.

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Un fléau manuel, des vans (osier et bois)

Le fléau est composé de deux bâtons (souvent du bois de cornouiller) rattachés l’un à l’autre à leur bout par un lien flexible, généralement en cuir, et qui sert à battre le grain pour le séparer de la tige et de l’épi, à la manière d’un fouet rigide. L’un des deux bâtons est le manche de l’outil, l’autre en est la lame. C’était un travail long et éreintant : un bon ouvrier ne battait guère plus de 180 à 240 litres de blé dans sa journée. Tout le monde manœuvrait le fléau en cadence.

Une fois le blé battu, il fallait enlever la paille à l’aide de fourches puis procéder au vannage, opération qui consistait à séparer le blé et la balle (l’enveloppe des grains et autres impuretés). Ce travail se pratiquait avec des vans, paniers plats en osier ou en bois qui permettent de lancer en l’air vivement le mélange grain-balles, le grain, plus lourd, retombant sur place tandis que la balle, plus légère, était emportée par le vent.

Le battage au fléau était un grand moment de sociabilité paysanne avec ses rites et ses traditions. On commençait souvent vers 6 heures du matin par balayer l’aire à battre, soit à l’extérieur soit dans une grange, selon le climat et le temps du moment. Suivait le petit déjeuner fait d’œufs durs avec une bonne soupe de choux au lard, des rigottes et le pâté aux poires. Le casse-croûte englouti, le battage pouvait commencer. Les  batteurs se choisissaient un chef pour rythmer le battement régulier des fléaux. Cela ne se faisait pas à la courte-paille mais au lancer du fléau. (le plus habile était choisi)

Dans certaines fermes on utilisait des  rouleaux en pierre tiré par un cheval pour séparer le grain de la paille.

Des batteuses à bras sont arrivées dans certaines fermes vers 1850. C‘étaient des machines à égrener peu onéreuses mais d’utilisation laborieuse, où les paysans s’éreintaient à tourner la lourde manivelle, qui avaient le seul avantage d’économiser de la main d’œuvre.

L’introduction des manèges mus par des chevaux date de 1845  tout comme la trépigneuse mais ils ne sont pas montés dans les Monts du Lyonnais car il y avait très peu de chevaux dans cette région.

methodes

de gauche à droite; fléau manuel, batteuse à main, manège à battage

Les premières batteuses mécaniques entrainées par des locomobiles à vapeur apparaissent dans la région autour de la guerre de 1870, notamment à Saint Symphorien-sur-Coise. Leur prix fait que ce sont des entrepreneurs qui les achètent plutôt puis offrent leurs services aux différentes fermes en se déplaçant vers elles quand les sont grandes ou à l’entrée des villages pour les plus petites. Ils amènent souvent aussi des ouvriers de plus en plus spécialisés, des saisonniers qui suivent la batteuse durant les mois de juillet, août, septembre voire octobre depuis la plaine dès le début jusque dans la montagne tardivement. Une trentaine d’hommes s’affairent couramment autour d’une batteuse : des bouviers, des machinistes, un ouvrier qui engage les gerbes, un coupeur de liens, un écarteur de gerbes, des lieurs, des porteurs….Les moteurs thermiques commencent à remplacer la locomobile à vapeur vers 1900. Ce sont des moteurs auxiliaires que l’on transporte sur les champs, ils sont équipés de prises de force pour entrainer une courroie. Ils sont à essence ou à diésel et s’imposent petit à petit surtout que les premiers tracteurs agricoles apparaissent à la fin de la 1° guerre mondiale. Il faudra attendre la sortie de la 2° guerre mondiale pour voir se généraliser le tracteur dans les Monts du Lyonnais avec le fameux « Petit gris » en 1948, un Ferguson copie de Ford que les coopératives agricoles proposaient.

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La trépigneuse et sa jument. La batteuse mécanique et son tracteur

Si le matériel a considérablement évolué aujourd’hui, devenu très technique et électronique, les hommes qui ont suivi cette transformation ont aussi évolué et les moissons, le battage, le stockage et le transport des céréales se font de moins en moins en fonction du rythme des saisons comme hier mais de plus en plus en fonction du calendrier des entrepreneurs de travaux agricoles qui sont les seuls aujourd’hui à pouvoir proposer le matériel performant mais extrêmement onéreux et très vite dépassé du fait des avancées technologiques. Ainsi même si la solidarité paysanne reste forte entre les fermes dont le personnel suit la batteuse de fermes en fermes, cette main d’œuvre étrangère prend de plus en plus d’importance et les traditions de fête associées à cette activité agricole ont généralement disparu.

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La soupe aux choux est bientôt prête.

C’est ainsi que dans les Monts du Lyonnais, beaucoup de village au moment du battage organisent une fête pour perpétuer la tradition et redonner vie à ces journées de profonde solidarité d’hier, comme un message de ce monde agricole qui malgré le perfectionnement du matériel soufre de plus en plus.

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Une partie des ingrédients de la soupe aux choux. Manque la potion magique du “Bessy d’antan” qui ne peut être photographiée. Elle est dans la chaudière!

Le Bessy d’antan est une association de Chevrières dans les Monts du Lyonnais qui perpétue cette tradition et organise chaque année depuis 12 ans la fête de la batteuse avec une journée qui se déroule comme autrefois, commence par la soupe aux choux, se poursuit avec un repas campagnard et se termine par un souper. Entre temps, l’association propose notamment une exposition de tracteurs anciens, des moteurs thermiques d’hier mais surtout une démonstration de battage mécanique avec ancienne batteuse mue par la prise de force d’ancien tracteur et cette année celle d’un battage à la trépigneuse avec une belle jument. Cette méthode n’existait pas dans nos régions et, donc peu connue, a attiré de nombreux visiteurs.

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Des images des gens du “Bessy d’antan” au travail tôt le matin

Il faut espérer que les milliers de visiteurs qui ont arpenté dans les terres de la famille Duboeuf au Bessy, à Chevrières, ont pu aussi visiter le village de Chevrières qui recèle des trésors d’architecture avec notamment son église qu’i faut absolument visiter.

Quelques vidéos de cette belle fête de la batteuse 2015 à Chevrières.

Spectacle équestre:

 

 

 

PS. Vous pouvez voir évoluer l’agriculture au XX° siècle dans le très intéressant numéro spécial de l’Araire n° 173 paru en juin 2013.

Evolution de l’agriculure en pays lyonnais au XX° siècle.