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Au XVII° siècle et en  1675,  on trouve un Claude Moretton (avec deux t) qui est artisan chapelier, il décède en 1693.  Au siècle suivant, c’est un Etienne Moreton (avec un r et un t) qui est aussi artisan chapelier (1729-1823). Mais l’histoire industrielle de la famille Morreton (à l’orthographe définitivement fixée : deux r et un t) commence vraiment au milieu du XIX° siècle en 1863 avec Jean-Antoine Morreton, descendant des précédents.

Il crée la société Mortons-Viricelle qui devient vite les Ets Morreton, fabricants de cloches et chapeaux de poils de lapin, lièvre et castor. Les velours taupés et flamands à grand poil, leur spécialité, sont vite prisés par les Anglais et les Américains.

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En 1880 c’est la création d’articles pour dames mais le problème de la teinture des feutres rend le démarrage difficile. Cependant un atelier spécifique organisé par les conseils de chimistes permet à cette maison de devenir d’abord la seule à proposer des cloches aux couleurs variées, puis plus tard d’être leader sur ce marché.

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les feutres teintés Morreton

En 1907 c’est le décès de Jean Antoine. Ses fils Dominique et Francis lui succèdent mais Francis meurt à la guerre en 1915. Ils ont ouvert un atelier de chapeaux de paille en 1908. La guerre de 1914-18 impose l’arrêt des ateliers qui reprennent une activité en 1918. Dominique Morreton est largement et fidèlement aidé par Jean Rousset, Marius Vacher, Marius Dufaud, Joannès Badoil,  Noël Grolier et Joseph Lacroix.

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Le chapeau de paille Morreton

L’atelier pour dames prospère de façon prodigieuse. La cloche Morreton s’affirme comme une des plus belles du marché. Les antennes de la société installées à Montluel dans l’Ain sont spécialisées dans les chapeaux capes (melons et faut de forme) sous la marque Beaver et Castor.

En 1923 la Maison Morreton devient Société Morreton. Elle remporte de nombreuses médailles dans les diverses expositions internationales. Dominique est d’ailleurs nommé membre du jury de l’exposition coloniale internationale entre 1931 et 1937. Il décède le 17 mars 1938. (en complément rajoutons que Dominique Morreton, musicien dans l’âme, a été simple clarinettiste à l’Harmonie dès 1891 pour être nommé à sa présidence en 1927, que sur le plan social il fût un batisseur en construisant pour les chapeliers les villas de l’allée toponyme)

Au cours de cette année 1938,  Il se produit 3000 chapeaux par jour sur une usine qui occupe 2,5 hectares et 350 ouvriers.

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Vue aerienne de l’ensemble des usines Morreton. (cliché collec privée GM)

La  relève est assurée par Jean Paul Morreton né en 1905. Il s’est aguerri à la fabrication du chapeau en Italie puis à celle de sa commercialisation dans les bureaux londoniens ou parisiens. Après ces différentes formations, il est rentré dans la maison familiale en 1928 et dirige les différents services de l’usine en secondant son père. Il prend donc tout naturellement sa place une fois ce dernier décédé. Il modernise la fabrication, en assure l’excellence avec la spécialité de taupés à poil ras ou chamoisés qui demandent un travail très spécifique et un outillage approprié venant souvent des Etats Unis.

La guerre arrive et l’usine fonctionne au ralenti puis redémarre à la Libération grâce au développement de l’exportation qui passe de 12% en 1946 à 50% en 1950. Michel Salvador, un de ses amis et représentant principal, l’aide beaucoup dans ce travail de prospection des marchés étrangers passant notamment par des grands magasins comme Sools, Sachs, Jan, Istrad ou Willoughby.

En 1956  la Sarl Morreton devient Morreton SA et Jean Paul parcourt l’Europe et l’Amérique, tenu constamment en contact avec son usine grâce à ses secrétaires, Mlles Lornage et Charvolin.

La société continue de s’agrandir et de se perfectionner avec des machines-outils de plus en plus nombreuses. L’usine se réorganise autour de celles-ci en 1957 puis en 1960. Le patron est alors entouré d’une équipe de cadres toujours fidèles comme Louis et Antoine Chaize ou Noël Grolier. Jean-Pierre Morreton, son fils, rejoint aussi le staff de direction. Il y a alors 450 ouvriers dans l’usine.

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Plan cadastral pour l’immobilier SA Morreton en 1960

En effet, en septembre 1960, « Monsieur Jean-Pierre », comme on aimait l’appeler à l’usine, né en 1938,  termine son service militaire passé en Algérie au cours de la guerre éponyme. Il rentre alors à Chazelles pour seconder son père. Il relance la fabrication du chapeau qui commence à s’essouffler avec le chapeau tyrolien qui a marqué son esprit pendant les 6 premiers mois de son service militaire passés à Baden-Baden. Il s’est alors lié d’amitié avec le directeur des chapelleries Kopka. Celui-ci l’aide dans cette tache de reconquête du marché.

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Le chapeau tyrolien en 1962

La production chazelloise fait alors un bond de 40% entre 1960 et 1963 retrouvant un chiffre ancien de 2 millions de chapeaux fabriqués il y a longtemps. Il retombera à 1.400.000 en 1966 au moment de la concentration des différentes usines sous l’appellation SIC, puis 330.000 en 1976.

C’est sous la direction de Jean Paul et Jean Pierre Morreton qu’en 1963, on célèbre le centenaire de l’usine. Le capital de la SA Morreton est alors de 142 millions de francs comparés aux 6 millions en 1942.

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Revue du Centenaire de la Maison Morreton en 1963

En 1966 les sociétés Fléchet (43%), Morreton (33%) , France (14%) et Fournand Beyron (10%)  se regroupent pour former la SIC et lutter plus efficacement contre la chute catastrophique et rapide du marché du chapeau par une fusion horizontale qui n’empêche pas la dégradation de la situation.

En 1970 Jean Pierre Morreton est victime d’un accident de santé qui l’oblige à se retirer du directoire et son père Jean Paul quitte aussi la même année la SIC qui ferme ses portes 6 ans plus tard en 1976.

L’usine Morreton est démolie en plusieurs étapes de 2009 à 2011 (la cheminée de l’usine principale est abattue en 2009). Les terrains sont récupérés pour partie par la municipalité.

Nous remerçions Gérard Morreton, membre du CA de PHIAAC pour toutes les informations, corrections et iconographie qu’il nous a permis d’utiliser. Le texte est issu de son livre:  “…avec deux R et un T. Histoire de la Chapellerie Morreton”. 2012, 73p.